Objet : plainte pour provocation à la haine raciale, Diffamation et injures à caractère racial,
Copie au Garde des Sceaux
Monsieur le Procureur de la République,
C'est avec effarement que les Bretons ont entendu le 2 février 2006, sur les ondes de RTL dans le cadre de l'émission “ les grosses têtes “, le comédien Jack Berroyer, interpréter deux des six couplets de la chanson consacrée à la Bretagne qu'il “ chante “ dans son dernier spectacle. Elle se résume à une succession de propos aussi abjects qu'injurieux à l'endroit des Bretonnes et des Bretons, et qui plus est, de leurs enfants. Les propos tenus sont les suivants :
Couplet 1 : “ Ah ! Connaissez-vous bien la Bretagne, avec ses femmes et ses hommes vêtus de pagnes, leurs enfants sont hydrocéphales, les garçons sont aussi méchants que les filles sont sales. “
Refrain : “ En Bretagne, en Bretagne on boit du jus d'andouille et du sirop d'artichaut et nus sur la lande, ronds comme des chapeaux, on fait la nuit des rondes à la lueur des fars aux pruneaux. “
Couplet : “ Et de Quimper jusqu'à Concarneau, on voit passer des femmes promenant des porcs dans des landaus pendant que les marins se soulagent dans les flots et refusent de signer le protocole de Kyoto. “
Ces propos diffusés sur les ondes de RTL augurent du caractère tout aussi injurieux du reste de la chanson que l'auteur entonne quotidiennement dans son dernier spectacle.
Nous n'ignorons pas que l'humour soit une chose importante dans notre société. Mais pouvons-nous encore parler d'humour lorsque l'objet exclusif des propos ne visent qu'à salir un peuple, ou un groupe humain donné, en tenant les assertions les plus odieuses sur le manque d'hygiène des femmes ou en assimilant leurs enfants à des porcs.
D'ailleurs l'auteur, qui n'ignorait rien de la blessure du dénigrement infligé aux Bretons, s'empressait aussitôt d'ajouter qu'il n'avait rien contre ceux-ci !
Imaginerait-on aujourd'hui pareille chanson sur les Harkis, Musulmans ou sur la population juive de France ? Les médias, le monde politique comme le procureur que vous êtes, ne manqueraient pas de faire part de leur juste indignation et des poursuites seraient immanquablement enclenchées.
Cette indignation est aujourd'hui celle du peuple breton, indignation d'autant plus forte que l'injure anti-bretonne figure au rang des traditions françaises les mieux établies.
Rappelons :
Sur les derniers siècles, les propos désobligeants à l'égard des Bretons écrits par les plus célèbres écrivains français comme Madame De Sévigné et Victor Hugo – durant leurs tribulations exotiques dans la péninsule. Ou encore, plus récents, ceux tenus par un politique qui, à l'issue du référendum sur l'Europe en 1992 - Charles Pasqua en personne – brocardait les Bretons de “cochons” sur les antennes de la télévision, en réponse au vote écrasant de ces derniers en faveur du projet européen. Évoquons encore le roman paru en 2004 et intitulé “ L'industrie du sexe et du poisson pané “ qui déverse sur la différence bretonne, ici incarnée par deux jeunes Finistériennes en mal de sexualité parisienne, le sempiternel lot de salissures.
A l'évidence, les propos tenus par Jacky Berroyer s'inscrivent dans cette longue tradition ouvertement raciste à l'égard du peuple breton et dont tant d'émigrés bretons à Paris eurent à souffrir durant les derniers siècles.
Dans ces conditions, l'auteur ne saurait soutenir que ces propos sont de nature à faire rire ceux que l'on salit ou traite de cochons. Leur caractère intolérable en soi, attentatoire à la dignité des hommes et des femmes de Bretagne, renvoie à une solide tradition nationale de dénigrement de la différence bretonne.
Outre la mise en cause d'une catégorie bien déterminée de personnes – les Bretons – les propos tenus, par leur caractère odieux, systématique et non équivoque, sont de nature à créer dans l'esprit de celui qui les perçoit un choc incitant à la discrimination, à la haine ou à la violence.
Ces propos s'intègrent également dans le contexte bien particulier d'un peuple en lutte pour la sauvegarde de ses droits culturels, et notamment de sa langue, aux prises avec un système juridico-politique centralisé et hostile à la moindre différence. En effet, la France refuse toujours d'incorporer la charte des langues minoritaires comme la convention-cadre pour la protection des minorités nationales dans son ordre juridique, constituant une véritable exception en Europe régulièrement dénoncée et condamnée par les différents organismes internationaux, comme récemment par le Commissaire européen aux Droits de l' Homme du Conseil de l'Europe. La différence bretonne, pourtant bien pacifique, fait peur en ce qu'elle questionne les fondements de l'ordre établi.
Elle reçoit en retour son lot d'injures et de dénigrements.
Ces propos tombent manifestement sous le coup de la qualification pénale de provocation publique à la discrimination, à la haine ou à la violence à l'égard d'un groupe de personnes à raison de leur origine ou de leur appartenance ou de leur non-appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée prévus par les articles 23, 24, 42, 43 de la loi du 29 juillet 1882.
Nous déposons plainte à l'encontre du ou des auteurs de l'infraction et escomptons des poursuites de votre part, après enquête que vous diligenterez afin notamment d'établir la réalité des faits sus-visés et d'entendre les pénalement responsables.
Les Bretons attendent avec impatience de savoir comment la justice de la République répondra à ces atteintes intolérables à leur dignité. Des poursuites s'imposent à moins que la République ne soit le lieu du racisme anti-breton généralisé, toléré, pour ne pas dire encouragé par l'ordre juridique en vigueur qui ne reconnaît pas la réalité bretonne.
Vous conviendrez qu'alors, elle perdra toute signification à nos yeux.
Pour le collectif,
La présidente, Angèle Jacq
Collectif breton pour la démocratie et les droits de l'Homme Galv ar Vretoned evit an demokratelezh Ha gwirioù ar Mab Den Association loi 1901.