Tous les deux ans depuis 2003, la ville d'Orléans organise dans la troisième semaine de septembre le Festival de Loire, qui se targue d'être le plus grand rassemblement de batellerie fluviale en Europe. Quoi qu'il en soit, l'édition 2011 a accueilli 650.000 festivaliers et plus de 150 bateaux sur les 227 annoncés, bien que les difficultés de navigation sur la Loire aient obligé presque tous les participants à amener leurs bateaux par la route. Le beau temps et la variété des bateaux (des toues cabanées, futreaux et bachots habituels à la Loire, certes, mais aussi des bateaux de plaisance maritime et même un trimaran solaire) ont fait très sûrement le succès de cette édition.
Dans la liste des bateaux, il y avait douze bateaux qui devaient venir de Bretagne, cinq du Finistère, 6 de Loire-Atlantique et un dernier du Morbihan. Le bas niveau de la Loire et l'impossibilité de la remonter jusqu'à Orléans en ont découragé beaucoup. Finalement, il n'y avait au Festival que « le Tin », de Douarnenez, l'« Avalig II » du Guilvinec, le « C'hwitellig » de Gouesnac'h, et le « Saint-Jean » de Saint-Jean de Boiseau en Loire-Atlantique, plus, hors de l'eau, deux bateaux du chantier Nénu-phare de Plescop, dans le Morbihan.
Si le Festival de Loire a du succès, ce n'est pas une mince organisation que de faire venir plus de cent cinquante bateaux en Orléans, les gruter un à un dans la Loire ou les écluser par la grande écluse du Canal d'Orléans, et de les en ressortir après le Festival, sans oublier l'organisation sur les quais. Or, c'est un Breton qui réalise cette prouesse logistique depuis le début du Festival en 2003, Jeff Wagner et son entreprise, Événements Voiles Traditions, qui s'occupe d'organisation d'événements maritimes et fluviaux, de transport de bateaux, de vente de produits spécifiques aux bateaux traditionnels et de restauration ou fabrication de vieux gréements. A propos de gréements traditionnels, Jeff a ramené son bateau au festival, le Tin, long de 11 m hors tout. Ce canot « à tape-cul », avec une voile à l'arrière, est la réplique d'un bateau de servitude de 1802 du port de Quimper et avait été réalisé par les ateliers de l'Enfer, à Douarnenez, en 1992, à l'origine pour être l'annexe du « Corentin », réplique d'un lougre de la même époque. Marin de profession, militaire pendant cinq ans, dans la Royale évidemment, Jeff fut bosco 13 ans sur le Belem puis capitaine de plusieurs bateaux du patrimoine.
Le Festival est l'occasion de voir des bateaux de toutes les régions de France. Ainsi, la Fédération M.A.N.C.H.E (Maritime des Associations Normandes pour la Culture, l'Histoire et l'Ethnologie) a amené plusieurs bateaux, dont une gabarre dénommée « La Fière ». Une Marnoise, One Voice, a rejoint le Festival depuis Joigny en faisant 192 km à la godille, propulsée par son vaillant capitaine Reynald Ducout. Les invités étrangers du Festival étaient hollandais, et leur ilot de Wou et autres fières voiles est resté dans le souvenir des Orléanais. Un bateau polonais était même venu. Évidemment, il y avait plus de cinquante bateaux de Loire, essentiellement des toues cabanées (voir le site) et des futreaux (voir le site) qui fonctionnaient surtout avec des moteurs.
Les Bretons du Festival de Loire
Venu de Loire-Atlantique, le Saint-Jean, belle réplique d'un bachot de Basse-Loire portant un carrelet à son mât, était amarré en Loire, mais son propriétaire est malheureusement resté introuvable. Le prix de la meilleure réplique du Festival de Loire 2011 a été décerné à ce bateau le 22 septembre.
Épars se trouvaient les bateaux bretons. Au milieu des autres, « le Tin », coque noire rehaussée par un bandeau jaune, coque vert sapin. De loin, l'on voyait une yole de l'Odet magnifique, grande voile rouge, Kroaz Du flottant fièrement dans le vent. Après trois jours de chasse, votre dévoué serviteur finit par tomber sur ses marins alors que le soleil dominical découvrait enfin Orléans qu'il avait délaissé deux mois durant. À la barre du C'hwitellig, Didier Le Moaligou, qui navigue depuis au moins 30 ans et qui avait commencé sur le Loiret lorsqu'il était jeune encore, et expatrié à Orléans. Le bateau est une yole de l'Odet qui servait jadis d'assistance pour les lougres et fut construit avec sept autres par le chantier naval du Guilvinec en 1992 pour le rassemblement de vieux Gréements de Brest 1992. Long de 7 m et large de 2,20 m, le bateau a à peu près 35 cm d'eau de tirant, mais jusque 1,20 m quand la quille amovible est mise. L'équipage normal est de six rameurs et un barreur. Ce bateau participe pour la première fois au Festival, dont l'équipage note la « bonne ambiance » malgré la difficulté du plan d'eau. En effet, avec - 0,91 cm sur l'échelle du pont d'Orléans, la Loire est basse, et hormis quelque trous, il y a au plus soixante centimètres d'eau devant la ville d'Orléans et souvent beaucoup moins.
À côté de la yole, un bateau plus petit était amarré, l'Avalig II, dont le capitaine est Philippe Guguin. Ce bateau est pour la première fois en rivière, Philippe est un marin confirmé qui a fait ses armes aux Glénan, habitué de la Basse Bretagne. Le premier Avalig, « petite pomme », est tiré d'un dériveur de classe olympique en plastique ainsi dénommé en français. Avalig II, long de 4,65 m, large d'un mètre vingt-cinq, a été construit en 1986 et a un tirant d'eau de 35 cm. A Orléans, le petit équipage de l'Avalig note le « bon accueil » auquel il a largement contribué, de même que ses confrères du C'hwitellig, notamment à l'égard de votre humble serviteur expatrié (1).
Sur les quais enfin, une longue recherche permit de découvrir deux autres bateaux bretons, le Nuf-nuf 4 m et un Nuf-Nuf 3 m, deux modèles fabriqués par le chantier naval Nénu-phare, dans le Morbihan et amenés par Cédric Pougis, orléanais d'origine et festivalier depuis 2007.
Les deux bateaux bretons étant venus par la route, leur sortie dimanche soir par l'écluse du Canal d'Orléans, qui donne accès à la grande cale, était largement remarquée. Éclusés avec plusieurs autres dans une écluse comble qui nécessite 900 m3 d'eau à chaque éclusage, ils ont quitté la Loire et les festivités sous le regard curieux et bienveillant de dizaines d'Orléanais agglutinés autour de cette grande écluse automatique si peu souvent en marche, le Canal d'Orléans étant dans les faits très peu utilisé. Espérons que pour la prochaine édition en 2013, du 25 au 29 septembre, nous verrons plus de bateaux bretons, de Kroaz Du et de bannières herminées flotter fièrement dans les cieux orléanais.
Louis Bouveron
Remerciements
Un grand merci aux navigateurs bretons du Festival de Loire pour leur disponibilité, leur gentillesse et leur bon accueil.