À l’invitation d’Ar-Falz/Skol Vreizh, une centaine de personnes s’est retrouvée ce samedi à Carhaix pour débattre de la situation de la Bretagne et finaliser un texte destiné aux élus. Le texte projeté sur l'écran a été discuté paragraphe par paragraphe. Chaque mot a été pesé.
A noter la participation de partis politiques comme l'UDB, le Parti Breton, EELV Bretagne, Pour la Bretagne, Breizh Europa, l'Alliance Fédéraliste Bretonne, et même le Parti communiste. De nombreuses associations comme Bretagne Réunie, Breizh Impact etc...ont participé. Les Gilets jaunes se sont invités aux débats et tout citoyen pouvait intervenir. Pour une fois le temps de parole n'était pas limité, tout le monde a pu s'exprimer et on ne peut que saluer cette initiative fédératrice et transversale par delà les clivages politiques.
Ar Falz/Skol Vreizh est aujourd'hui principalement une maison d'édition bilingue dirigée par des universitaires. Fondé il y a presque un siècle par Yann Sohier, un instituteur public de Plourivo , Ar Falz fut d'abord un mouvement culturel breton centré autour de la revue brittophone Ar Falz. Cette association a toujours milité depuis pour l'enseignement de la langue et de la culture bretonnes dans les écoles publiques.
Depuis quelque temps, l’association s’inquiète de l’état de la Bretagne dans les domaines culturels et linguistiques, mais aussi sociaux, environnementaux, économiques et politiques. En 2018, le géographe Yves Lebahy et le professeur de breton, aussi PHD, Jean-Claude Le Ruyet, tout deux de Skol Vreizh, publiaient "Où va la Bretagne ? " (voir le site) ,
Le livre constate les mutations du monde moderne qu'il qualifie de "désordre". Affirmant que le modèle du CELIB avait fait son temps, les auteurs en appellent aux élus pour sauver la culture et le territoire face aux menées du centralisme républicain, de l'agriculture productiviste, de l'Europe libérale, de la mondialisation et de l'ultra-libéralisme.
L'idée de l’association est de lancer une plateforme revendicative afin d’obtenir le plus grand nombre de signataires possible sur un texte commun. Une fois le texte finalisé, Skol Vreizh sollicitera une rencontre avec le Président de région, puis avec les présidents de la République et du Sénat, pour leur faire part de la nécessité de mettre en place un plan global de développement de la Bretagne autour de plusieurs axes. Lors des débats hier, les sujets de l’énergie, des transports, de l’écologie, de la langue et de la culture bretonne ont été abordés avec quelques idées fortes et beaucoup de consensus. La gravité du moment semble avoir apporté une certaine maturité dans les débats où autrefois la gauche et la droite s'empoignaient.
Les critiques font remarquer que les problèmes bretons sont bien connus et qu'il n'y a aucune garantie que la région et surtout l'État écouteront. Jean-Yves Le Drian, le numéro deux ou trois du gouvernement juste derrière le Premier ministre, longtemps président de la région Bretagne, est tout à fait au courant des revendications bretonnes et n'est pas du tout écouté sur ce sujet. Le nombre de signatures d'élus changera t'il la donne ? Comme on vient de le voir, l'État n'a que faire des 105 000 signatures obtenues pour activer le droit d'option de la Loire-Atlantique. Aurait-il écouté si Bretagne Réunie avait obtenu 1000 signatures d'élus au lieu de celles de 105 000 citoyens ? rien n'est moins sûr.
Certes le CELIB avait obtenu un "plan breton" mais personne ne peut nier qu'au même moment, le FLB plastiquait les perceptions et même une caserne de CRS. Ce qui se passe avec les Gilets jaunes ne fait que nous rappeler encore une fois que rien n'est obtenu sans un rapport de force dans une république présidentielle au service d'une seule région et de son élite de privilégiés.
Cet État qui d'autre part est obligé de respecter des traités européens dûment ratifiés et de rembourser les créanciers qui financent sa dette vertigineuse est aujourd'hui aux prises avec une grave crise institutionnelle. Il s'est retranché dans une position de défiance répondant aux urgences les plus pressées. La Bretagne est le dernier de ses soucis.
La légitimité de ces élus ciblés par ce texte étant de plus en plus contestée par le peuple suite à une déficience de la représentativité et à l'effondrement des partis politiques d'alternance, on est en droit de douter que les mots suffiront.
Philippe Argouarch