Suite du journal de campagne de J.-Ch.Perazzi
L'un des premiers concerts qui s'étaleront sur trois jours d'un duo spécialisé dans la musique baroque du XVIIe siècle s'achève sur la petite scène installée à quelques centaines de mètres du château du Grand Trianon. Applaudissements des gosses de classes de CE2 et de leurs maîtres.
Les musiciens proposent au jeune auditoire de réagir à leur musique ou de poser des questions.
Un petit noir au visage grave se lève : " C'est dégueulasse " (sic).
La scène, rigoureusement authentique, s'est déroulée l'autre jour à la fête organisée par le château de Versailles pour l'attribution du prix " Lire au jardin 2012 ", récompensant trois ouvrages sur les quinze sélectionnés par un jury que présidait Alain Baraton, grand manitou des jardins royaux (1).
Comment interpréter cette remarque pour le moins insolite ? L'enseignante, interrogée après explication avec l'enfant, ne semblait pas trop comprendre elle-même.
On en tente deux.
1) Cette musique de château, d'origine populaire, jouée parfois - c'était le cas à plusieurs reprises ces trois jours - en costumes d'époque, malgré son intérêt, n'est vraiment plus du goût des jeunes. Du coup on est tenté de faire la comparaison avec certains concerts de musique traditionnelle, avec ou sans bragoù bras et chupenn, organisés chez nous pour des touristes avides d'exotisme.
2) Le qualificatif n'était pas exactement celui que voulait utiliser le gosse. Reste à trouver ce qu'il souhaitait dire exactement…
En vrac, le reste d'impressions ressenties durant ces trois jours par un « provincial » quelque peu amusé, agacé ou agréablement surpris du spectacle proposé et vécu.
- Un accueil et un accompagnement très convivial, très professionnel des jeunes, dont plusieurs Bretons, chargés de l'organisation de cette manifestation ;
- Le côté un peu bling-bling du cocktail suivant la remise des prix, avec petits-fours et champagne à gogo. Impression nuancée par le fait que parmi les invités figuraient de vrais amis et défenseurs de la nature, des jardins, partagés ou non.
- La qualité exceptionnelle des ouvrages des trois lauréats. Décidément la nature est un sujet qui inspire les bonnes plumes et les bons photographes.
- La qualité de la plupart des éditeurs et professionnels présents proposant ouvrages et conseils respectueux des sols et des êtres qui y vivent, qui les font vivre.
Enfin, la fête finie, pour d'autres destinations et aussi rentrer au pays, il faut emprunter des grands axes et le fameux périphérique parisien. Images de cauchemar que l'on veut oublier bien vite. Furie collective de conducteurs de véhicules sous la voûte des tunnels ; plaines sans fin où des machines déversent des produits phytosanitaires sur le blé, le maïs, l'orge et tout le reste. Laissant derrière elles les traces parallèles de leur passage.
Chez nous aussi ? Exact. Comme la couleur caractéristique d'un désherbant qui a occupé nos paysages durant tout l'été.
Mais, qui sait, peut-être corrigera-t-on tout ça bientôt !
Jean-Charles Perazzi
(1) Message personnel à Nono. Malgré la qualité de tes crobards, notre modeste ouvrage sur le jardin édité par Coop-Breizh ( voir notre article ), n'a pas eu le prix dans sa catégorie (Beaux livres et essais, re-sic). Petite consolation, avec les quatre non-gagnants de la catégorie figure… Didier Decoin de l'Académie Goncourt.