La nouvelle est passée relativement inaperçue mais pourrait avoir une grande importance. Courant décembre, la ministre allemande de l'Agriculture et de l'Alimentation, Ilse Aigner, s'est prononcée de façon claire pour la fin des aides indirectes de la politique agricole commune, affirmant celles-ci "dépassées" [1].
A l'inverse des aides directes, octroyées aux agriculteurs indépendamment de leur production, les aides indirectes sont les subventions apportées pour assurer un prix garanti aux exportations hors UE malgré la fluctuation des marchés. Prépondérantes jusqu'aux années 90, elles sont désormais en baisse (diminution de 25 % du montant des prix garantis en 2003) mais occupent encore un poids important.
Ces aides indirectes sont fortement critiquées à la fois par les libéraux et les altermondialistes [2] ou même l'ONU [3] comme faussant l'équilibre des marchés et condamnant les productions vivrières des pays en voie de développement sans pour autant assurer la sécurité alimentaire en Europe (celle-ci étant à la fois premier exportateur et second importateur agricole au niveau mondial, et produisant avant tout pour un marché mondialisé et non pour nourrir ses habitants). Elles sont également vues comme privilégiant la production à outrance et favorisant les plus grosses exploitations au détriment des petits paysans.
La commission européenne a présenté en octobre dernier ses propositions pour une réforme de la PAC (Politique Agricole Commune) pour la période 2014/2020 [4]. Interrogé sur le développement de la compétitivité agricole européenne, Dacian Ciolos, commissaire européen à l'agriculture, évoquait ainsi trois pistes principales [5] : tout d'abord, la question clef du renforcement de l'innovation et de l'accès des agriculteurs aux acquis de la recherche pour accroître à la fois la quantité et la qualité des productions ; ensuite un appui pour permettre aux producteurs de mieux négocier avec les autres acteurs de l'agroalimentaire. "En la matière, on a des propositions qui vont à la fois dans le sens d'un appui financier pour la création d'organisations de producteurs et en même temps, pour le fonctionnement de ces organisations de producteurs". Dernier élément, la gestion des marchés : la commission projette ainsi de maintenir – par le biais détourné d'une « réserve d'urgence » de 3.5 milliards d'euros en cas de baisse des cours – le montant de ses subventions aux exportations.
Ce dernier point en particulier montre bien que s'il y a une volonté de la commission européenne de faire évoluer la PAC, celle-ci reste malgré tout très prudente. Néanmoins, si la nouvelle position allemande devait se confirmer, elle constituerait une rupture et pourrait avoir un effet d'entraînement amenant des réformes importantes dans un proche avenir
Le sujet est particulièrement important pour la Bretagne qui constitue l'un des premiers territoires agricoles d'Europe. Les choix d'orientation pour la réforme de la PAC, aujourd'hui la seule politique économique commune au niveau européen, auront un impact fort en termes économiques, sociaux et environnementaux sur notre territoire.
La question du maintien des subventions à l'exportation suscite d'ailleurs déjà des prises de positions de certains acteurs bretons (notamment les chambres d'agriculture [6]) tout particulièrement pour les produits de l'élevage.
Une chose reste certaine : les rééquilibrages au profit des pays d'Europe de l'Est amèneront de toute manière – à budget européen constant – une baisse des subventions à destination de la Bretagne.
Notes
[1] (voir le site) ,1518,801612,00.html et (voir le site) ,04697
[2] (voir le site)
[3] (voir le site)
[4] (voir le site) et (voir le site)
[5] (voir le site)
[6] (voir le site)