Dès le premier titre de ce nouvel opus, dénommé « Kas », comme « transmission », BAGAD KEMPER, donne, une nouvelle fois, le ton en confirmant ses énergiques orientations musicales allant vers un vigoureux « Tradi-rock ». La formation avait, notamment, il y a deux ans, clairement exprimé cette tendance artistique, lorsque, associée au quatuor, batterie, basse, guitare acoustique et électrique, RED CARDELL, les deux groupes publiaient, conjointement, leur album « Nerzh » (Puissance, en breton).
Dans cette veine « Breizh-rock », ne soyez pas étonnés, ce sont, en effet, des riffs de guitare électrique distordus qui frappent les trois coups de ce présent quasi spectacle musical, alliant traditionnel et modernité, auquel vous allez assister, pendant près de 50 minutes.
Si nous vous suggérons, d’entrée, cette idée de spectacle musical, c’est à dessein, car la mise en espace, l’intensité, la proximité de l’enregistrement réalisé au studio Kerriou C’hoat, à Saint-Evarzec (29) et mixé par Nicolas ROUVIERE, restitue, à merveille, les couleurs sonores et la dynamique d’un concert, d’un spectacle, plus que vivant, pour lequel la formation quimpéroise excelle, depuis nombre d’années !
BAGAD KEMPER est un grand habitué de la scène. Il a écumé les salles et les festivals (Zéniths, Olympia, Bercy, Festival Interceltique de Lorient, Festival de Cornouaille, Francofolies, Vieilles Charrues…), et joué sur tous les continents, Ecosse, Allemagne, Chine, Gabon... au rythme de ses créations, aussi nombreuses que variées.
Que ce soit avec Dan AR BRAZ, dans « L'Héritage des Celtes », Carlos NUNEZ, au festival de Cornouaille 2010, Erik MARCHAND, pour, passerelle entre Bretagne et Balkans, « Breizh Balkanik », ou encore le regretté Johnny CLEGG, avec 5 concerts en commun et « Emotional Allegiance», une chanson, créée à l’occasion du Festival de Cornouaille 1997, puis enregistrée en 1999, avec le « zoulou blanc », en plage 7 du CD du bagad, « Hep Diskrog - Sans relâche ».
BAGAD KEMPER a toujours su bien s'entourer pour créer des collaborations uniques.
Au cours de ce récent enregistrement, ayant suscité deux ans de préparation, la formation quimpéroise réinterprète quelques-uns des morceaux issus de son répertoire des dix dernières années.
La parution de ce disque était, initialement, prévue en 2019, pour célébrer les 70 ans du bagad, mais, le célèbre ensemble de sonneurs et batteurs breton a été accaparé par d’autres projets, notamment, par la réalisation du CD « Nerzh », avec RED CARDELL, précédemment cité.
Pour ce puissant et festif album anniversaire, « Kas », marquant donc, avec un peu de différé, également lié aux turpitudes sanitaires, bien trop connues de tous, sa 70ème année d’existence, la formation bretonne dirigée par Steven BODENES s’est entourée, pour 8 titres inédits, de quelques-uns de ses « compagnons de route » avec lesquels de vrais liens d’amitié et d’évidentes complicités artistiques se sont tissés, au gré des rencontres scéniques et en studios.
C’est ainsi que, comme le précise le petit autocollant apposé sur le film protecteur de la jaquette, nous pouvons retrouver, auprès des 45 légendaires sonneurs et batteurs : Dan AR BRAZ, Sylvain GIRAULT, Marthe VASSALLO, Jean-Pierre RIOU, de RED CARDELL.
Surtout, ne pas oublier, dans cette distribution, les excellents et fidèles, Bernard LE DREAU, au saxophone, Tibo NIOBE, à la guitare et Erwan VOLANT, à la guitare et à la basse.
Confirmant que la tradition est toujours bien vivante, le titre de l’album est fort bien choisi, puisqu’au-delà de symboliser la transmission musicale et culturelle qui passe de l’héritage ancestral, à la pérennité, notamment, par le partage artistique avec des musiciens bretons issus d’autres expressions stylistiques, « KAS - transmission » marque, aussi, le changement de direction musicale intervenue à la tête de la célèbre formation.
En effet, Steven BODENES a passé la main directrice à Gwendal PODER et Kévin LOUSSOUARN.
Néanmoins, c’est l’ex-Penn Soner qui a mené, en large partie, le projet, privilégiant un choix pour la sélection des morceaux issus du répertoire de la dernière décennie, ces pièces jamais enregistrées et revues avec des artistes qui ont déjà collaboré avec le bagad quimpérois, qu’il dirige, ici, en tant que Penn Soner.
Si l’éventail du contenu musical a été mûrement réfléchi, la présentation du disque a, également été, avec très grand soin et large sens de l’esthétique, conçue.
En façade d’une sobre jaquette, couleur unie écru, sous l’unique et jaune mention « Bagad Kemper », à la typographie identique à celle du CD « Hep Diskrog », un très élégant et néo-celtique graphisme « KAS », signé de Laurent LE GUILLOUX (Voir site) , découpé dans la surface cartonnée, à la manière d’un pochoir, sigle le projet musical, laissant entrevoir, par ses évidements, les colorations du livret interne.
En effet, une fois ouvert, cet original quadriptyque présentant, recto-verso, cadrés par Ronan DENIEL, de scéniques et expressifs clichés des musiciens et chanteurs et des plans rapprochés sur cornemuse, bombarde, grosse caisse, ou sur broche sculptée du légendaire « maout », contient un livret de 16 pages.
Outre le fait de proposer, en Français, Breton, Anglais une contextualisation du projet « Kas », signée de Jean-Pierre RIOU, les textes des chansons et la liste, par pupitres, des membres du bagad, cette publication annexée, permet aux artistes bretons qui conversent musicalement, avec la brillante formation quimpéroise, depuis tant d’années, de nous faire part, leur rencontre avec l’ensemble, leurs expériences et les liens particuliers qu’ils entretiennent avec la grande famille du Bagad.
Entre traditionnels et compositions, le plus qu’énergique programme proposé se déroule, de fait, en trois actes, avec, de la plage 1 à la plage 5, des pièces chantées interprétées en Français et en Breton, en pistes 6 et 7, des instrumentaux, et pour la dernière et brillante séquence, avec, en 5 mouvements, la Suite « Ridérobée », que BAGAD KEMPER avait présenté, à Lorient, en 2017, rappelant qu’au-delà de la bête de scène qu’est cette exceptionnelle formation, elle est aussi, bête de concours, cumulant, au championnat national des bagadoù, pas moins de 22 titres de champion et quinze 15 titres de vice-champion, un record absolu !
L’album s’ouvre sur le titre le plus long du programme, puisque s’étendant sur près de 7 minutes 30, « Ar Charlezenn » où, dans le prolongement des riffs d’introduction de guitare distordue, à l’orée de notre chronique, sus-décrits, où ponctuée de ses soulignements électriques qui sonnent comme un glas, s’impose la grande voix de la musique bretonne, Marthe VASSALO, bientôt rejointe par un crescendo de bombardes, caisses claires et cornemuses durant lequel, la guitare de Tibo NIOBE s’entête. C’est sublime !
La chanteuse écrit dans le livret : « Sur scène, l’arrivée des caisses claires dans mon dos, puis l’unisson de la tribu entière, me donnaient le frisson ! ».
Soyez-en certaine, Madame, nous aussi, avons eu le frisson, à l’écoute de ce morceau d’ouverture, votre tonique voix, elle aussi, n’étant pas étrangère à ce souffle d’intense émotion.
Comme pour se joindre à votre mot définissant, ci-dessus, le bagad, suit, « La Tribu Bleue des Airs », écrit, chanté, même râpé, par le compositeur nantais Sylvain GIRAULT.
« Cette chanson est issue de notre spectacle de 2016, Melezour, qui signifie miroir, en breton », commente Sébastien LE BRAS, Président de l’association du Bagad.
« On y portait un regard ironique sur nous-mêmes, sur la vie du bagad, car c’est un monde à part, hors du temps », poursuit l’interlocuteur de Ouest-France.
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« Ils se retrouvent en soufflant autour du si bémol !
Ils se retrouvent bouclant et tapant sur le sol !
C’est la société des fous,
C’est le clan de Quimper :
Sonne pour être debout,
La tribu bleue des airs. »
(Sylvain GIRAULT)
Escorté par la cornemuse, un voluptueux son de guitare fort reconnaissable, celui de Dan AR BRAZ, introduit, à présent, en plage 3, « Breizh », une composition d’Alan SIMON sur laquelle Jean-Pierre RIOU est venu subtilement et viscéralement déclamer, plus que chanter, ses propres mots et son univers.
Une très poétique et onirique ode, soulignée, jusqu’à son terme par les pupitres du bagad entrelacés des cordes électriques du légendaire guitariste quimpérois, héritier des Celtes.
Précédée par de jazzy éclats de saxophone, ceux de Bernard LE DREAU, avec deux doigts de world, plus groove, est la dansante plage 4, avec « Le tour du miroir », un traditionnel arrangé par Steven BODENES et Sylvain GIRAULT, le chanteur en signant le texte.
Côté vocal, un très esthétique et véloce passage a capella vous attend, notamment, grâce au ré-recording, avec la duplication en contre-chant, de la voix affirmée de Sylvain, avant que le bagad envahisse avec sa coutumière, volumineuse et impérieuse présence, la fin de ce tour, où les guitares de Tibo NIOBE et Erwan VOLANT parviennent à résister, à s’imposer.
Clôturant, en plage 5, le premier acte chanté de l’album, Marthe VASSALLO revient avec « Ar Plac’h Iferniet », une danse fisel traditionnelle où l’agile, preste et puissante voix de la chanteuse, dominant guitares, cornemuses bombardes et caisses claires, nous emmène dans ce vif tourbillon chorégraphique originaire du pays fisel, en Centre Bretagne.
En piste 6, une composition de Steven BODENES ouvre le deuxième acte, cette fois, à part entière, instrumental.
C’est « Beaj »… comme voyage… voyage musical, voyage amical.
Bernard LE DREAU y faufile son saxophone.
Le voyage nous apparait dense, mais trop court. Seulement, un peu plus de 3 minutes de persistance rythmique et mélodique.
Suit « Kenavo l’Artiste », une scottish composée par Steven BODENES, en hommage à Erwan PODER, batteur percussionniste du Bagad, spécialisé dans les percussions à mains, derbouka, congas, djembé qui, suite à la maladie, a, bien malheureusement, effectué son salut final, voici quelques mois, au trop jeune âge de 43 ans.
La séquence est superbe et les passages rythmiques où les percussions ressortent, prennent, bien entendu, une résonnance particulière.
3ème et dernier acte de plus de 12 minutes :
Retour sur la suite Lorient 2017, composée par Steven BODENES et dénommée « Ridérobée ».
Le livret précise que l’enregistrement et le mixage ont été réalisés par Art p’Tit Show, pour Sonerion.
Précédant une reprise finale, la fin de la prestation est saluée par les applaudissements nourris, auxquels nous ajoutons les nôtres, pour cette prestation lorientaise, comme pour ce brillant disque « KAS », que vous pouvez, grâce à sa qualité musicale et technique, écouter à volume soutenu, pour en apprécier toutes les puissantes strates, mais, également, subtilités vocales et multi-instrumentales.
Tout au long de notre chronique, nous avons, volontairement, notifié BAGAD KEMPER, sans le faire précéder du pronom personnel « le », comme s’il s’agissait, d’une seule personne, d’un seul artiste, d’un fort identitaire label. A l’écoute de ce remarquable album, vous comprendrez, aisément, pourquoi.
Bien évidemment, nous vous invitons, plus que vivement, à vous procurer, au plus vite, ce nouvel, ô combien énergique et excellent opus, « griffé BAGAD KEMPER », d'autant qu'à l’exception de ses nombreuses collaborations avec RED CARDELL, en 2013 avec « Fest-Rock », 2014, « Gwenn ha Du » (Notre chronique) , 2019, « Nerzh », Compact Disk sélectionné dans notre rubrique « A RETENIR » (Voir rubrique) , n’avait pas réalisé d’album de sa propre initiative, depuis 2011 et la sortie de « Breizh Balkanik » qui célébrait, alors, les 60 ans du groupe.
De plus, il s’agit, là, d’un bel objet anniversaire…
Quitte à le répéter au fil de nos chroniques, nous demeurons particulièrement sensibles aux choix graphiques des artistes ou groupes envisageant, avec grand soin, l’élaboration d’écrins raffinés qui accompagnent et mettent en valeur leur musique.
De ce fait, l’album, comme l’on dit, « physique », peut, ainsi, rester un bel objet face à l’insipidité des téléchargements de fichiers.
Et puis, s’il faut prolonger le voyage vécu sur sa chaîne domestique dans sa voiture ou sur son lecteur audio mobile, du CD acquit, au mp3 ou autre format sonore digital… par extraction logicielle numérique, il n’y a qu’un pas !
« Kas »… « C’est un retour aux fondamentaux », précise, dans le Télégramme, Sébastien LE BRAS.
Certes, mais dans la droite ligne du chemin rock, précédemment emprunté avec une énergie débordante, lors de la parution de « Nerzh ».
Nous en profitons pour souligner le rôle très important qu’ont, dans cet esprit, les fort talentueux guitaristes et bassistes, Tibo NIOBE et Erwan VOLANT qui, tout au long du programme, ravissent notre oreille, en, selon les instants, introduisant, épousant, infiltrant vigoureusement, opiniâtrement, ce « clan de Quimper », cette « tribu bleue des airs. »
Festif, puissant, fusionnant, avec respect, tradition et modernité, la légendaire formation quimpéroise ne faillit pas en nous proposant, une fois nouvelle et « sans relâche », dans « Kas », une démarche pérenne de transmission, fort convaincante.
Gérard SIMON
Illustration sonore de la page : Bagad KEMPER - Album "KAS" - La tribu bleue des airs - Extrait de 01:03.
D'autres extraits sonores sur Culture et celtie, l'e-MAGazine (Voir site)
Le site internet du Bagad KEMPER : (Voir site)
Les titres du CD du Bagad KEMPER, « Kas ! » :
01 - Ar Charlezenn - Chant : Marthe VASSALLO / Guitare : Tibo NIOBE / Guitare basse : Erwan VOLANT - 07:27.
02 - La tribu bleue des airs - Chant : Sylvain GIRAULT / Guitares : Tibo NIOBE et Erwan VOLANT / Guitare basse : Erwan VOLANT- 05:57.
03 - Breizh - Chant : Jean-Pierre RIOU / Guitare : Dan AR BRAZ - 04:51.
04 - Le tour du miroir - Chant : Sylvain GIRAULT / Tibo NIOBE et Erwan VOLANT / Guitare basse : Erwan VOLANT / Saxophone : Bernard DREAU - 06:48.
05 - Ar plac'h iferniet - Chant ; Marthe VASSALLO / Guitares : Tibo NIOBE et Erwan VOLANT / Guitare basse : Erwan VOLANT - 03:38.
06 - Beaj - Guitares : Tibo NIOBE et Erwan VOLANT / Guitare basse : Erwan VOLANT / Saxophone : Bernard DREAU - 03:11.
07 - Kenavo l'artiste - Guitares : Tibo NIOBE et Erwan VOLANT / Guitare basse : Erwan VOLANT - 04:05.
08 - Suite Lorient 2017. Ridérobée ! - 12:19.
• Ar pevar avel.
• War Hent gant Aesa ha lomig.
• Suite de Ridée.
• Ar Milouer Argent.
• Dérobée.
Durée totale de l'album "kas" : 47:21.
Bagad KEMPER: « Kas ».
Parution : 8 octobre 2021.
Distribution : Coop Breizh (Voir site)
Référence : 4016334
© Culture et Celtie