C'était la première fois depuis le début de la Ve République qu'un gouvernement acceptait d'organiser un débat à l'Assemblée nationale sur ce sujet.
Les débats ont eu lieu en fin d'après-midi, dans un hémicycle aux trois-quarts vide. En tout et pour tout une vingtaine d'élus étaient présents, les autres, surtout les députés-maires, avaient déjà pris leur avion pour se rendre dans leur ville afin d'assister aux célébrations du 8 mai le lendemain matin.
Dans sa conclusion, la ministre de la Culture, Christine Albanel, parlant au nom du gouvernement, a rejeté une nouvelle fois la ratification par la France de la Charte européenne des langues régionales et minoritaires. Citant les pays européens voisins de la France qui, eux, ont signé et ratifié la charte, elle a tenu à rappeler que la France avait un régime particulier incompatible avec plusieurs articles de la charte. Pour la ministre de la culture, la ratification de la charte impliquait un "droit imprescriptible" de parler une langue régionale dans la sphère publique, "ce qui est contraire à des principes constitutionnels aussi fondamentaux que l'indivisibilité de la République, l'égalité devant la loi et l'unité du peuple français", a-t-elle déclaré...
La constitution ne sera pas amendée, alors qu'elle est amendée régulièrement sur proposition du gouvernement pour accommoder les lois et les traités européens.
Christine Albanel s'est prononcée contre l'officialisation des langues régionales, citant les coûts de traduction que cela entraînerait pour les textes officiels et les débats quant aux langues et aux textes qui devraient être traduits. Elle a bien sûr omis de citer que c'est le cas de l'Europe et que justement, dans le cas de l'Europe, la France est tout-à-fait d'accord pour payer les coûts de traduction, même pour de petits États dont la langue a moins de locuteurs que certaines langues minorisées et non reconnues en France.
Par contre, la ministre a rappelé les dispositions réglementaires existantes pour que tout soit mis en œuvre pour le développement des langues régionales. Dans la tradition bien française et anti-démocratique d'un gouvernement qui définit l'agenda du parlement, elle a annoncé que le gouvernement proposerait un texte de loi, un cadre de référence, dont les limites seraient celles de la constitution et des principes républicains. À ce sujet le choix d'une fin d'après-midi, la veille d'une fête nationale, pour organiser le débat d'aujourd'hui, n'est pas passé inaperçu aux yeux des partisans des langues régionales.
Marylise Lebranchu, qui avait anticipé ce dénouement, a fait une mise en garde à propos d'une nouvelle loi sans changements constitutionnels : " Je rappelle que la loi permettant l’enseignement en langue régionale, notamment dans les écoles Diwan, avait été censurée par le Conseil constitutionnel. Il serait frustrant et humiliant que toute loi nouvelle sur les langues régionales reste condamnée d’avance. Il faut y prendre garde, car l’humiliation conduit à la violence. Procédons plutôt par ordre : nous avons besoin d’une révision de la Constitution, puis de textes législatifs précis. Sans cela, l’expérimentation aujourd’hui proposée par le président du Conseil régional de Bretagne, par exemple, risque fort d’être inconstitutionnelle."
La transcription des débats : (voir le site)
Philippe Argouarch