Nous autres Bretons, nous ne pourrons pas nous tenir à l’écart de la déferlante de l’intelligence artificielle. Certes, on peut critiquer le mot choisi pour désigner cet ensemble d’algorithmes et de données. Mais n’empêche, il est intéressant de voir comment la Bretagne et les Bretons sont vus et analysés par ces "intelligences".
La plus connue des intelligences artificielles est le moteur de recherche Google. Les moteurs de recherche sont d’une intelligence à la fois limitée et influençable. Ainsi quand je tape "Bretagne", le trio de tête est la page Wikipedia, le site de la région administrative et le site "Tourisme Bretagne" de la même région administrative, avec d’ailleurs, en bas de la page d’accueil, une curieuse carte de Bretagne de 4 départements et demi. Quand je tape "nationalisme breton", les trois premiers sites sont la page Wikipedia sur le nationalisme breton, l’étude universitaire d’un chercheur inconnu et le site antinationaliste breton GRIB.
L’intelligence artificielle peut faire bien d’autres choses que des listes de sites internet. Voyons, dans ce court article, comment la Bretagne et le nationalisme breton sont vus par deux sites utilisant une véritable intelligence artificielle.
S’amuser avec l’intelligence artificielle
Le premier, le plus drôle, est le site degaucheoudedroite Les réponses sont générées par une intelligence artificielle, mais il est possible de dire qu’on n’est pas d’accord, ce qui influence les résultats ultérieurs.
Voici ce que j’ai trouvé. Le mot "Bretagne" est de gauche. "Union Démocratique Bretonne" est de gauche. "Parti Breton" est de droite. "Nationalisme breton" est de droite. "Autonomisme" est de droite et de gauche, mais "autonomisme breton" est de gauche. J’apprends aussi que "Jean Pierre Le Mat" est de gauche. Je serais curieux de savoir par quels algorithmes et quelles données piochées sur internet ils en sont arrivés à cette conclusion.
Notons que la dualité droite-gauche, qui semblait universelle après-guerre, ne l’est plus depuis la chute de l’empire soviétique, la fin des décolonisations, ainsi que la fin des Printemps arabes. Elle n’a gardé de l’importance que dans les pays de tradition catholique, en Europe et en Amérique du Sud. Ce site d’intelligence artificielle n’est donc pas multiculturel.
Éclaircir ses idées avec l’intelligence artificielle
Le second site est un site d’openAI, c’est-à-dire d’intelligence artificielle indépendante. Le concept est intéressant et nous ouvre des voies d’avenir. Il existe des systèmes d’exploitation (Linux) et des suites bureautiques (OpenOffice) qui ont été développés de manière communautaire et souvent bénévole. Ces outils sont indépendants des grandes entreprises américaines. La création d’intelligences artificielles "libres" est plutôt une bonne nouvelle.
J’utilise le site OpenAI (https://beta.openai.com/playground). Il faut s’inscrire au préalable. Il répond à des questions posées en anglais, en français ou en breton. Je n’ai pas essayé d’autres langues, mais je pense que tout est possible.
À la question "Qu’est-ce que le nationalisme breton ?", la réponse est : "Le nationalisme breton est un mouvement politique qui cherche à promouvoir l'identité culturelle et linguistique bretonne et à préserver l'autonomie et l'indépendance politique de la Bretagne. Il s'est développé à partir des années 1960 et a été un moteur de l'émancipation de la Bretagne. Il se définit par une volonté de défendre la culture bretonne, sa langue et ses traditions et de s'opposer à l'uniformisation culturelle et linguistique imposée par le gouvernement français."
Je trouve cette réponse tout à fait sensée, même si elle ne concerne que le nationalisme breton d’après-guerre.
Deuxième question : "Quelle différence entre autonomie et indépendance ?".
Réponse : "L'autonomie et l'indépendance sont des concepts similaires qui peuvent être facilement confondus. L'autonomie est le pouvoir de prendre des décisions et de fonctionner sans l'aide ou l'influence d'autres personnes. L'indépendance, en revanche, se réfère à la capacité d'une personne ou d'une organisation à fonctionner sans l'aide ou l'influence d'un autre groupe ou pays. En d'autres termes, l'autonomie se réfère à l'indépendance à l'intérieur d'un groupe ou d'un pays, tandis que l'indépendance se réfère à l'autonomie à l'échelle internationale."
Cette réponse est sans doute insuffisante, mais elle permet d’aborder la question hors des préjugés et des passions partisanes.
Questions en breton
Troisième question "Piv e oa Nominoë ?", la réponse est en français. "Nominoë est le premier roi de Bretagne. Il est né vers 790 et a régné de 845 à 851. Il a été le premier à unifier la Bretagne et à établir la dynastie bretonne des Ducs de Bretagne. Il a également été à l'origine de la création des ordres religieux et des premiers Monastères en Bretagne. Il est considéré comme le fondateur de l'État Breton et est célébré chaque année à l'occasion de la fête de la Saint Nominoë le 8 août."
On peut ne pas être d’accord sur certains points, mais c’est bien résumé. J'aurais sans doute dû écrire "Nevenoe" au lieu de "Nominoë".
Quatrième question : "Petra eo ar Brezhoneg ?".
La réponse est en breton. "Petra eo ar Brezhoneg? Eo ur yezh rannyezhel eus Bro-C'hall, skrivet ivez evel Brezhoneg. Emañ ar yezh e broioù an Norzh ha Norzh-Kreiz Breizh. Ar brezhoneg a vez implijet gant miliadoù a dud er vro-se, a vez komzet ivez er c'hornaouegoù a-bezh e Breizh. Ar brezhoneg a zo unan eus ar yezhoù rannvroel ofisiel e Bro-C'hall."
On peut se moquer du brezhoneg chimik, mais la réponse donne à réfléchir.
L’avenir de l’éducation ?
Les réponses sont certes contestables, mais elles ne sont ni subjectives ni passionnelles. L’intelligence artificielle ne les formule pas au hasard. Elle analyse des millions d’écrits et de statistiques récupérées sur l’internet, et pas seulement sur Wikipedia. Les erreurs sont inscrites quelque part sur l’internet et l’intelligence artificielle ne fait que les collecter.
Là où j’en arrive, c’est que la "culture" des nouvelles générations bretonnes va évoluer. En plus du milieu familial, les anciennes générations bretonnes puisaient leurs convictions dans les livres, dans l’exemple et le témoignage des militants, et aussi chez nos poètes, nos artistes, nos créateurs, nos entrepreneurs. Aujourd’hui, nous avons, en plus, accès à des milliers de sites internet, ainsi qu’à des discussions superficielles et souvent inutiles sur les réseaux sociaux.
Les sites d’intelligence artificielle sont de nouvelles sources d’informations, pour l’instant peu connues. Leur particularité est de donner des réponses synthétiques. On peut bien sûr les contester, je l’ai déjà dit. Mais la clarté et la concision des réponses tranche avec la subjectivité et les développements inutiles des sources traditionnelles. On ne perd pas de temps.
Que des Bretons travaillent sur ces technologies serait une bonne chose pour éclairer l’avenir de la Bretagne.
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