Chers compatriotes et amis, nous voici réunis sur les lieux même de la bataille de Saint-Aubin du Cormier, ce dimanche 27 juillet 2014, pour commémorer cette funeste bataille, qui de proche en proche fut sans doute une des causes principales du basculement politique de la Bretagne, qui passa de la souveraineté rayonnante à l'annexion aliénante. Cette bataille qui eut lieu il y a 526 ans, le lundi 28 juillet 1488, est effectivement terrible à plus d'un titre, dans son déroulement comme dans ses conséquences : six mille bretons et alliés y périssent sous les coups de l'envahisseur français, dans une terrible mêlée sous une chaleur écrasante, et dans une stupéfaction générale de toute la Bretagne.
La défaite des armées du Duc François II à Saint-Aubin du Cormier, le contraint à accepter le traité du Verger, dont une clause stipule qu'il ne pourra marier ses filles sans le consentement du roi de France. Le dernier Duc de Bretagne meurt de désespoir le 9 septembre suivant, dans son manoir de Cazoire en Couëron, laissant derrière lui deux orphelines, Anne et sa s½ur cadette Isabeau. Cette dernière mourra deux ans plus tard d'une pneumonie laissant Anne seule face à son destin… Et quel destin ! Quand son père décède, deux ans après sa seconde épouse Marguerite de Foix, Anne est une enfant de onze ans, jeune héritière d'un duché envahi par l'armée du pays voisin, le royaume de France. Pourtant, malgré son jeune age, la nouvelle Duchesse de Bretagne, couronnée en février 1489 à la Cathédrale de Rennes, dotée d'un caractère trempé et droit, est déterminée à respecter la promesse faite à son père sur son lit de mort : ne jamais consentir à l'assujettissement de la Bretagne au royaume de France !
Et toute sa vie Anne s'y est employée : en effet, malgré le traité du Verger, elle épouse le 19 décembre 1490 et par procuration, le futur Maximilien 1er d'Autriche, provocant la colère du roi français Charles VIII. Celui-ci relance une guerre meurtrière en Bretagne au printemps 1491, et en octobre de cette même année, il vient mettre le siège à la ville de Rennes, où se trouve Anne de Bretagne, afin de lui faire renoncer à son mariage avec l'ennemi du royaume de France. Sous la menace que la Bretagne soit mise à feu et à sang, Anne fini par accepter à contre c½ur le mariage avec son ennemi Charles VIII, qui se fera à Langeais hors Bretagne, le 6 décembre 1491.
Anne qui n'a encore que 14 ans s'installe donc à la cour de France, qui est pour elle comme une prison hors et loin de sa Bretagne chérie. Elle donnera naissance à plusieurs enfants qui mourront tous en bas age. Son mari Charles VIII mourra à son tour après s'être cogné la tête à un linteau de porte, dix ans après la bataille de Saint-Aubin du Cormier. A nouveau libre, Anne rentre en Bretagne en août 1498 et restaure les droits de son Duché ainsi que sa Chancellerie, convoque les Etats de Bretagne et émet une monnaie en or. Elle obtient de son futur second époux, le Duc d'Orléans-Valois devenu Louis XII, qui rappelons le s'est battu à pied côté breton à la bataille de Saint-Aubin du Cormier, le retrait de Bretagne des troupes militaires françaises d'occupation. Anne et Louis XII se marient à la Chapelle du Château des Ducs de Bretagne, à Nantes, le 9 janvier 1499, avec un contrat de mariage favorable à la Bretagne et à son indépendance, contre signé des deux époux, et considéré par les experts actuels comme le dernier traité de droit international valide entre la Bretagne et la France. De leur mariage naîtront deux filles, Claude et Renée…
Un an avant le décès de Louis XII le 1er janvier 1515, Anne décède le 9 janvier 1514 au château de Blois, et avec elle le dernier rempart des libertés bretonnes. Sa fille aînée Claude épouse le duc d'Angoulême qui devient François 1er le 25 janvier 1515. Celui-ci ne respecte pas les clauses du traité de mariage entre Anne et Louis XII, où les couronnes de Bretagne et de France sont séparées entre les descendants, et spoliant Renée de ses droits, annexe illégalement la Bretagne par un Edit d'Union en 1532. Deux cent cinquante sept ans plus tard, les dernières libertés bretonnes sont à nouveau unilatéralement et illégalement abolies lors de la nuit du 4 août 1789… Et aujourd'hui la République française ne reconnaît toujours pas nos droits, et continue à nier jusqu'à l'existence même de notre peuple. Actuellement se joue à l'Assemblée Française l'avenir même de ce qui reste de notre pays de Bretagne : contre l'avis des Bretons de voir leur pays réunifié, les décideurs français hésitent entre sa fusion dans un grand ouest sans histoire commune, ou bien la perpétuation de son amputation du Pays Nantais. Dans les deux cas, et en tant d'autres exemples, nous pouvons affirmer que la France n'est pas une démocratie respectueuse des peuples qui la composent, mais une oligarchie centraliste jacobine, qui escamote l'histoire pour conserver de façon illégale notre destin et notre manne fiscale entre ses mains… Cela commence de plus en plus à se savoir, et nous les Bretons n'avons pas dit notre dernier mot. Notre esprit de résistance est toujours intact, qui se renouvelle de génération en génération, et un jour, de gré ou de force, la France devra accepter la renaissance de la Bretagne.
Notons au passage que cette année 2014 est l'année du 500 anniversaire de la mort d'Anne! Un Comité Anne de Bretagne 2014 a vu le jour à cette occasion, composé de nombreuses associations bretonnes, qui ont organisé hors des programmes officiels, de très nombreuses manifestations culturelles de tous types sur les cinq départements bretons. Nous avons pu constater avec plaisir que l'engouement du public breton, et donc du peuple breton pour sa duchesse et son histoire n'a pas faiblit, bien au contraire ! Son esprit de résistance vit toujours en nous, et nous savons partout le faire fructifier de multiples manières. Par exemple ici, sur le champ de la Bataille de Saint-Aubin du Cormier, notre association MAB-Koad Sav Pell vient de commander au sculpteur Marc Simon, avec l'aide de généreux donateurs que nous remercions, la taille directe dans un menhir, de l'effigie de notre bonne duchesse Anne.
Pour conclure je dirais, que si nous ne connaissons pas encore la date du jour de notre libération nationale bretonne, nous savons déjà qu'elle est en marche, et que rien ne pourra l'arrêter. Le combat de la mémoire bretonne est déjà gagné, et bientôt nous verrons celui des libertés bretonnes retrouvées l'emporter aussi !
Finalement à Saint-Aubin du Cormier, nous avons perdu une bataille, mais nous n'avons pas encore perdu la guerre ! Cette guerre se poursuit aujourd'hui pacifiquement et démocratiquement à travers nous et nos compatriotes, et ensemble nous allons la gagner !
Au nom de tous les Bretons morts pour leur pays la Bretagne, et au nom de tous nos enfants à venir, nous nous y engageons !
N'eo ket echu hag un deiz e vo sklaer an amzer !
Betek an trec'h atav!
Jean-Loup LE CUFF
27 juillet 2014