Il y a 20 ans, Bazouges la Pérouse près de la baie du Mont St Michel fêtait sa centenaire Adèle Denys, et la sortie de son livre naturellement intitulé "Mémoires d'une centenaire".
Le livre bilingue écrit en gallo et en français allait rapidement devenir un vrai succès de librairie. 8 000 exemplaires furent vendus en quelques mois dans tout l'Ouest.
Non seulement, il était le témoignage exceptionnel sur la vie rurale en Haute-Bretagne à la fin du XIX et début du XXème, mais il est aussi devenu une référence incontournable pour les défenseurs de la langue de Haute-Bretagne, pour la richesse du vocabulaire gallo, des expressions et des tournures de phrases employées par l'auteur
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NÉE DANS L’AUTRE SIÈCLE
Adèle DENYS était née, comme elle disait "dans l'autre siècle", le 24 Octobre 1899 au village de la Poidevinière par une journée pluvieuse où tous les gens de la ferme étaient partis arracher des betteraves.
Elle a traversé le XXème de bout en bout, sans quasiment avoir quitté Bazouges.
Douée d'une étonnante mémoire, elle fut un témoin exceptionnel du début du XX siècle en pays gallo .
A 7 ans, elle vit arriver la première automobile «haute sur pattes, pétaradante et point couverte qui effrayait les enfants ».
Elle n'avait gère plus de 11 ans quand, médusée, elle assista aux premières séances de cinéma où des spectateurs soupçonneux se précipitaient pour regarder derrière l'écran.
Cette même année, émerveillée, elle contemplait les premiers aéronefs s'élever et voler au-dessus du Mont St Michel devant une foule incrédule.
Adèle Denys était une formidable conteuse, douée d'une étonnante mémoire.
Elle ne relatait pas seulement les faits. Elle savait restituer le sentiment de toute une époque. Elle témoignait ainsi de l'arrivée des premières machines agricoles au tournant du siècle.
Les ouvriers agricoles alors nombreux dirent très vite :
"Elles soulagent notre tâche mais très vite, elles vont nous prendre le pain des bras".
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ELLE AURAIT AIMÉ ÊTRE JOURNALISTE
Adèle DENYS avait une personnalité qui détonnait dans le monde rural.
Cultivée et lettrée, elle entreprit des études à Rennes qui furent trop vite interrompues par la guerre de 14/18.
Elle était aussi attirée par la modernité. En 1929, elle fut une des deux premières femmes de la région à avoir son permis de conduire.
Cette ouverture d'esprit lui fit cependant rapidement prendre conscience qu'avec le progrès et les nouvelles techniques, c'était tout un monde et tout un mode de vie traditionnel qui, sous ses yeux, étaient en train de disparaître.
Il était urgent d'en garder la mémoire.
Elle aurait aimé être journaliste, elle devint chroniqueuse de la vie traditionnelle de Bazouges-la-Pérouse.
Très tôt, elle eut aussi l'intuition que la langue qui était parlée dans le pays n'était pas du français déformé, un patois ou un langage d’illettré comme lui disaient les instituteurs mais une vraie langue issue du latin avec ses règles propres et surtout porteuse de toute la culture d'un pays.
Elle commence par créer des pièces de théâtre en gallo qu'elle fait jouer par des troupes de jeunes bazougeais.
Elle écrit des chroniques. Elle devient également pendant près de 30 ans une des principales informatrices de grands linguistes: l'abbé Guillaume et Henriette Walter. Dès la création des "Amis du parler gallo", elle rejoint son fondateur Gilles Morin. Elle multiplie alors les interventions dans les écoles et anime des veillées. Elle est le personnage principal d'un des rares films tournés en gallo par France 3 : "Les contouses de Bazouges". En 1987, un premier livre regroupant ses écrits "Aot fa en pays gallo" est publié.
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UN SUCCÈS INATTENDU
Il lui faudra cependant attendre ses 100 ans pour qu'à sa grande surprise, sa renommée dépasse les frontières de son canton.
Elle devient célèbre presque du jour au lendemain grâce au livre "Mémoires d'une centenaire".
Un succès complètement inattendu pour ce livre bilingue qui n'avait été édité que pour lui rendre hommage et lui faire plaisir.
Les médias s'en firent écho : Ouest-France lui consacra notamment une page en toutes éditions dans l'ultime numéro du XXème siècle le 31 décembre 1999. France 3 réalisa une série de 10 courts-métrages diffusés en janvier 2000. Radio France Armorique dans le même temps lui consacra une chronique quotidienne pendant 2 mois.
Cette notoriété et le succès de son livre l'enchantèrent. Elle reçut des centaines de personnes qui vinrent la rencontrer pour lui faire dédicacer l'ouvrage. Elle publiera un second livre "Carnets d'une centenaire" un an et demi plus tard.
Adèle qui aimait répéter "On ne s'attend jamais à vivre si longtemps ... pourtant cela m'a paru bien court" s'éteindra paisiblement en janvier 2002 à la maison de retraite de Combourg. Des rues portent maintenant son nom à Rennes, Saint-Erblon et Chateaugiron.
Les livres "Mémoire d'une Centenaire" et "Carnets d'une centenaire" sont quasiment épuisés et ne sont plus distribués. Il n'en reste qu'une centaine d'exemplaires.
Ils peuvent être commandés directement auprès de son éditeur Bernard Hommerie.
KERIG Productions
Le Bas-Landavran
35450 LANDAVRAN
Adresse mail : kerig.productions [at] wanadoo.fr
Mémoire d'une centenaire : 18€
Carnets d'une centenaire : 7€ (port inclus)
Le film "Les contouses de Bazouges" est visible sur le site de l'INA.
www.ina.fr › video › RXC00000973