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- Interview -
Frank Darcel : De Marquis de Sade à l'engagement pour la Bretagne
Co-fondateur et musicien du groupe Marquis de Sade, Frank Darcel est aussi un écrivain. Il a publié en 2005 Le Dériveur, puis en 2007, L'Ennemi de la chance. Membre du Parti Breton, il a rejoint la liste MoDem conduite par Caroline Ollivro, candidate pour les municipales de Rennes.
Par Philippe Argouarch pour ABP le 6/03/08 21:04

Co-fondateur et musicien du groupe Marquis de Sade, Frank Darcel est aussi un écrivain. Il a publié en 2005 Le Dériveur, puis en 2007, L'Ennemi de la chance. Membre du Parti Breton, il a rejoint la liste MoDem conduite par Caroline Ollivro, candidate pour les municipales de Rennes.

[ABP] Venant de la musique et on peut le dire pas de la musique genre "festnoz"...comment en êtes-vous arrivé a vous engager pour la Bretagne? Pouvez nous donner quelques éléments de ce cheminement?

[Frank Darcel] Je suis né en pays gallo, mais ma mère est originaire du finistère. Et mon grand-père paternel, François Le Lann, était un des compagnons de route de Yann Sohier, il militait donc à Ar Falz et il a mené son combat pour la langue bretonne jusqu’à ses derniers jours. Nous parlions beaucoup et c’est en puisant dans sa bibliothèque, (les livres écrits en français), que j’ai commencé très tôt à m’intéresser à l’Histoire de Bretagne. Musicalement, j’ai toujours été attiré par les musiques actuelles anglo saxonnes, mais cela ne m‘est jamais apparu comme antinomique de mon intérêt pour mon pays. D’ailleurs, à l’époque de mon adolescence, ce qui sonnait le plus moderne dans l’hexagone était probablement le « poplin » d’Alan Stivell…

Je crois en fait que nous sommes tous multiples, et c’est une richesse d’en prendre conscience. Si je n’ai jamais été un adepte de la musique traditionnelle, j’ai pris beaucoup de plaisir à travailler avec Alan justement pour son album « Back to Breizh ». Pour moi, rien n’est compartimenté, et l’idée d’une Bretagne jouissant demain d’une certaine autonomie est à mon avis une idée éminemment moderne. Même si pour y arriver, nous devrons parfois nous référer à la tradition, dans ce qu’elle a de plus noble.

[ABP] A Rennes les militants de la cause bretonne sont dispersés dans 3 listes différentes, on a Gael Roblin avec la LCR et la liste Rennes à Gauche. On a Glen Jegou et 3 candidats UDB, Ana Sohier, Eliane Leclercq et Pierrick Brihaye sur la liste Delaveau (PS). Il y a aussi 3 militants du Parti Breton sur la liste MoDem de Caroline Ollivro : Virginie Launay, Thierry Salaun et vous-même. Comment ressentez-vous cette dispersion?

[Frank Darcel] C'est plutôt positif à mon sens. Cela veut dire que la Bretagne est devenue centrale dans le débat, et que plutôt qu'une sensibilité bretonne ghettoïsée dans une seule liste séparée, elle s'est invitée dans pratiquement toutes les tendances de l'échiquier politique classique. Sauf bien sûr à l'UMP qui est ouvertement le parti le plus jacobin.

[ABP] Dans un sens on est sûr d'avoir des élus au Conseil municipal de Rennes, quoiqu'il arrive...

[Frank Darcel] Oui, c'est vrai. En même temps, pour tempérer ce que je disais auparavant, cette présence de l'idée bretonne dans la plupart des listes, si elle est saine, peut amener une dilution de la force du propos au sein de ces différentes listes. Je dirai par exemple que la présence de Glen Jegou avec le PS ressemble plus à un débauchage à la Sarkozy qu'à un véritable intérêt du PS local pour la question bretonne. Si le PS l'emportait, Glen aurait à siéger avec des « anti-Bretagne » convaincus au sein de sa liste. Ce ne sera pas facile tous les jours pour lui… Mais il pourra compter dans ce cas sur les conseillers d'autres listes dans les moments difficiles. Je précise que sur la liste du MoDem par contre, l'intérêt pour la langue bretonne, par exemple, est partagé par tous – nous proposons dans notre projet la ratification immédiate de niveau 2 de la charte "Ya d'ar Brezhoneg". J'ajoute que l'ouverture à l'Europe, contrairement aux errements et déchirements du PS parisien sur la question, a toujours été un objectif chèrement défendu par le centre. Enfin, Caroline s'est clairement prononcée en faveur de la réunification, comme le parti Breton, une mesure que le PS, à la fois en Ille-et-Vilaine et en Loire-Atlantique, soutient très mollement, quand il ne la combat pas. À l'exception de monsieur Maréchal bien sûr, et de quelques autres.

[ABP] Le MoDem a fait un très bon score à Rennes au cours des présidentielles, un des meilleurs en France. Sur ce précédent encourageant, pensez-vous que le MoDem puisse arriver au deuxième tour à Rennes ?

[Frank Darcel] Nous visons plus haut que les 10 % nécessaires au maintien. D'abord parce que François Bayrou avait fait 22 %, mais aussi parce que notre campagne nous a permis de sentir des convergences avec de nombreux groupes de Rennaises et de Rennais. Ceux qui en n'ont marre de devoir choisir entre les deux mêmes vieilles crèmeries. Ceux qui ont envie que Rennes ait une véritable visibilité en Europe. Tous ont conscience que pour y arriver, Rennes doit assumer pleinement son rôle de capitale de la Bretagne. Même si à terme c'est un statut qui peut se partager avec Nantes et pourquoi pas Brest, puisque évidemment, nous ne sommes pas des centralisateurs…

[ABP] Vous avez parlé d'améliorer les relations Rennes-GB ? En quoi cela consisterait-il ?

[Frank Darcel] Je travaille toujours dans le milieu de l'édition musicale et je remarque que la chute du marché du disque a des conséquences bien plus graves sur les marchés fermés, tels que le marché francophone par exemple. En s'exprimant en français on ne peut guère exporter que vers une partie de la Suisse, la Wallonie et le Québec. La langue anglaise est pour les créateurs un véritable passeport vers le monde. Et nous avons au-dessus de la tête, nous Bretons, une des meilleures rampes de lancement qui passe par un axe Londres, Glasgow, Dublin. Il nous faut tout simplement prolonger cet axe. De toutes les manières, la plupart des groupes de rock en Bretagne s'expriment en anglais. Et je sais par expérience qu'ils n'ont aucune chance de signer sur un label parisien. Il faut donc qu'ils s'aguerrissent dans la langue de Shakespeare dans un premier temps, on pourrait d'ailleurs travailler sur des ateliers d'écriture à Rennes en collaboration avec des auteurs anglais. Il serait question également d'échanger des groupes entre des lieux identifiés à Rennes et à Londres ou Dublin. Paris vient d'ailleurs de s'y mettre en organisant des échanges hebdomadaires de groupes de musiques modernes avec Londres. Cela se passe pour Paris au Palais de Tokyo et cela a commencé à la fin février, mais la mesure était dans notre projet depuis novembre…

D'une manière plus générale, il faut que nos jeunes aillent se frotter au quotidien des musiciens britanniques, ils y apprendront la langue mais aussi à être plus performants dans leur art. Ce sera à la mairie de les aider à se frayer un chemin. Il se sera pas seulement question de subventions, plutôt de contribuer à canaliser les énergies en collaboration pourquoi pas avec la région ; en imaginant peut-être l'ouverture d'un bureau des créateurs bretons dans ces villes. Cette politique prospective mais volontariste pourrait également intéresser les plasticiens, les créateurs de mode, les vidéastes etc... Les Bretons ne sont jamais meilleurs que quand ils se frottent aux autres cultures ! Forçons le destin !

[ABP] Frank merci et bonne chance !

Philippe Argouarch

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Philippe Argouarch est un reporter multi-média ABP pour la Cornouaille. Il a lancé ABP en octobre 2003. Auparavant, il a été le webmaster de l'International Herald Tribune à Paris et avant ça, un des trois webmasters de la Wells Fargo Bank à San Francisco. Il a aussi travaillé dans des start-up et dans un laboratoire de recherche de l'université de Stanford.
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