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La guerre de succession de Bretagne de Jean-Christophe Cassard
Lorsqu'on étudie les guerres qui ont marqué l'histoire de l'humanité, la guerre dite de Cent Ans est incontestablement celle qui a marqué la première grande confrontation entre deux États nations en construction, la France et l'Angleterre. Mais si le conflit étatique a été retenu par les ouvrages scolaires, la guerre de Cent Ans a également couvert plusieurs guerre secondaires, dont l'ampleur n'est pas à négliger. Parmi celles-ci, la Guerre dite de Succession de Bretagne (1341-1364)
Par Okan Germiyan pour ABP le 10/08/07 10:01

La guerre de succession de Bretagne


Lorsqu'on étudie les guerres qui ont marqué l'histoire de l'humanité, la guerre dite de Cent Ans est incontestablement celle qui a marqué la première grande confrontation entre deux États nations en construction, la France et l'Angleterre. Mais si le conflit étatique a été retenu par les ouvrages scolaires, la guerre de Cent Ans a également couvert plusieurs guerre secondaires, dont l'ampleur n'est pas à négliger. Parmi celles-ci, la Guerre dite de Succession de Bretagne (1341-1364), qui a opposé Jean de Montfort (soutenu par les Anglais) à Charles de Blois (soutenu par les Français) pour gagner le précieux duché de Bretagne.

Pourquoi précieux ? C'est ce qu'explique avec détails le dernier ouvrage de Jean-Christophe Cassard consacré à cette guerre plus connue à juste titre en Bretagne, tandis qu'au niveau national seul le Combat des Trente (1351) est demeuré un fait célèbre, mais isolé du contexte même de la Guerre de Succession de Bretagne.

Spécialiste de l'histoire bretonne médiévale, Jean-Christophe Cassard a beaucoup écrit sur le sujet. En rassemblant ses divers articles, entièrement revus, annotés et illustrés, il constitue en dix-huit chapitres une somme d'autant plus précieuse que l'histoire est aussi passionnante que méconnue. Son style est pour le moins passionné, car on sent l'auteur saisit par sa passion de la Bretagne. On peut juste regretter quelques redites, du fait que ses chapitres ont été rédigés séparément puis rassemblés en un seul livre, ainsi que l'usage de termes du langage peu courants, ce qui ne facilite pas la compréhension d'une guerre déjà très complexe dans son ensemble.

En effet, l'ouvrage s'adresse exclusivement aux amateurs de la chevalerie et de l'histoire de la Bretagne. Ainsi, dans chacun de ses chapitres, l'auteur s'emploie à analyser tous les aspects sociaux, politiques et militaires qui ont entouré la Guerre de Succession de Bretagne : les escarmouches dans les bosquets et les bois entre Montfortistes et Blésistes ; la vie et le trépas des bourgeois et roturiers des cités bretonnes assiégées ; l'histoire de la vengeance de Jeanne de Flandre, épouse de Jean de Montfort ; le récit des différents miracles religieux ; la dévotion exacerbée de Charles de Blois ; l'extraction douteuse de Jean de Montfort ; les stéréotypes sur le peuple breton à l'époque du conflit, etc. Tous les chapitres abordent un thème, qui reste toujours en étroite relation avec la guerre et ses éternelles horreurs.

Mais l'auteur ne limite pas son analyse à la stricte période des vingt-trois années du conflit qui ont déchiré la Bretagne. Accompagnées d'illustrations, les thématiques qu'il aborde recoupent également une analyse des sources, notamment des chroniques de Jean Froissart et de Jean le Bel. Néanmoins, Jean-Christophe Cassard ne cache pas sa frustration sur l'absence d'autres sources, notamment bretonnes et anglaises. Il consacre enfin une étude à l'imagerie des batailles et plus particulièrement celle du Combat des Trente et de ses anachronismes relevés dans les oeuvres des peintres du XVe siècle.

Par le recoupement des sources contemporaines et la distance de l'historien, l'ouvrage de Jean-Christophe Cassard est une mine d'informations précises sur cette guerre franco-anglo-bretonne. L'une des informations les plus intéressantes est cette Bretagne divisée entre les deux camps : la Bretagne septentrionale (avec Rennes pour capitale) demeurée attachée au camp légitimiste de Charles de Blois et à la couronne de France ; la Bretagne méridionale (avec Nantes pour capitale) convaincue du bon droit de Jean de Montfort, soutenu par l'Angleterre. Une étonnante division qui trouve son terme à la fin du XVe siècle, lorsque les Bretons mettent fin à la présence anglaise dans leur duché.

Enfin, l'un des aspects les plus plaisants de l'ouvrage demeure incontestablement la reprise des paragraphes des chroniqueurs de l'époque, le tout écrit en "vieux françois". Un exemple à partir du témoignage visuel de Jean Froissart sur le chevalier trégorrois, Even Charruel de Guerlesquin. Vétéran breton du camp blésiste et participant au Combat des Trente, le chevalier figure un jour à la table du roi de France, Charles V, et y présente ses nombreuses cicatrices de guerre. Voici ce qu'en dit Jean Froissart : "Et depuis je vis seoir à le table dou roy Charles de France un chevalier breton qui esté y avoit, qui s'appelloit messires Yewains Charuelz ; mais il avoit le viaire (visage) si detailliet et decopet qu'il monstroit bien que la besongne fu bien combatue."

C'est aussi ce qu'on peut dire de l'ouvrage de Jean-Christophe Cassard : c'estoit un bel besongne pour mieulx savoir ent la Bretaigne !

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Jean-Christophe Cassard, La Guerre de Succession de Bretagne, Ed. Coop Breizh - Kerangwenn, Spézet, 2006, 354 p., 25 euros.

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