Le 2 février 1969, le général de Gaulle prononçait son fameux discours de Quimper sur la nécessaire décentralisation. Non qu’il faille idolâtrer le personnage, qui ne portait pas particulièrement les Bretons dans son coeur - « Les Bretons sont des cons, mais ils m’ont suivi en Angleterre » aurait-il dit à l’un de ses proches - mais l’analyse qu’il avait donnée de la France était la bonne. Pour ne pas se défaire, la Nation est condamnée à trouver le chemin d’un pouvoir décentralisé.
Où en sommes-nous cinquante ans après ? Il est des moments dans l’histoire où l’on doit faire le bilan. Il est catastrophique.
La langue bretonne agonise. La politique linguistique de la région bretonne est indigne . Moins de 1 % du budget dérisoire de la région est consacré à la politique publique la plus importante pour nous Bretons, puisqu’il s’agit de sauvegarder de ce que nous sommes. Le nombre de nos enfants scolarisés en langue bretonne demeure dérisoire. Il ne progresse plus vraiment. Un échec sur toute la ligne alors que ça fonctionne ailleurs, au Pays basque, en Alsace, en Corse. Qu’est-ce qu’une décentralisation qui ne permet pas à un peuple de sauver sa langue ? Et nos élus sont contents de ce qu’ils font alors qu’ils devraient démissionner en bloc pour ne plus légitimer de leur présence une telle catastrophe annoncée.
Après des décennies à nous faire croire qu’il allait contribuer à l’émancipation des Bretons, le parti socialiste vient de fermer la porte à la réunification de la Bretagne. Et ce, dans un désaveu flagrant de la démocratie en refusant de faire droit à la demande légalement formée par plus de cent mille habitants de Loire-Atlantique, désireux d’être consultés sur la question. A Paris, personne ne s’en offusque alors même que le RIC est plus que jamais dans le débat public.
Loin de déléguer des compétences législatives ou réglementaires, Paris recentralise et s’appuie sur les métropoles pour maintenir son emprise au détriment des régions victimes du système. Le gouffre entre Paris et « la province » ne cesse de s’accroître sur tous les plans. Le dérapage financier du métro du grand Paris « treize milliards d’euros » représente plus de dix années de budget pour la région Bretagne. Ce fossé est au coeur du système France. Lorsque l’inégalité devient monstrueuse, plus personne ne la voit. Elle fait partie du paysage. Au nom de l’égalité, la France a conçu le système le plus inégalitaire qui soit, sur tous les plans. Il bénéficie à la technocratie toute puissante comme aux habitants de Paris et des grandes métropoles.
Nos élus ont renoncé à la Bretagne. Voilà le drame. Ils en porteront la responsabilité devant l’Histoire. Et pire encore, une part significative des militants semblent aussi avoir jeté l’éponge. Plus rien ne bouge, ou presque.
J’avoue que j’ai peine à comprendre, sauf à se dire que l’esprit de renoncement est plus fort que tout, qu’il a essaimé de nos élus incorporés au système jusqu’à nos militants désormais corsetés par les subventions pourtant modiques. Le clientélisme est un fléau qui est au coeur de tous les processus de colonisation. J’ai peur que nombre d’entre nous ne soient rongés par ce mal qui s’aggrave à l’approche des élections. Les Bretons se seraient-ils résignés aux « épluchures » conformément à l’odieuse comptine ?
Ouvrons les yeux ! Au sein du système France, nous sommes morts. Nous sommes condamnés à le faire bouger, ou à bouger pour obtenir notre dû et ne pas mourir.
Mais pour cela encore faudrait-il vouloir se faire entendre. Le fossé économique, social et culturel entre Paris et nos territoires est en lien direct avec la révolte des gilets jaunes, et pourtant la question bretonne n’apparaît nulle part. Le Gwen ha du flotte au vent, oui, mais pourquoi ? Pourquoi ce silence assourdissant lorsqu’il est question de grand débat national ?
Les Bretons veulent-ils seulement se faire entendre ? Ont-ils intériorisé la secondarisation de leur Pays et admis l’inéluctable éradication de leur culture à droit et moyens constants ?
Le sentiment premier que nous devons retrouver est celui de l’indignation devant autant d’injustice, de doubles discours, de vaines promesses et de trahison.
Dressons le constat d’échec de la décentralisation française. Elle n’est qu’un voile démocratique jeté sur le système le plus discriminatoire, et qui repose largement sur la complicité des élites locales.
C’est le système qu’il faut changer par l’obtention du statut particulier qui nous rendra l’autonomie et l’unité de notre territoire millénaire. Tout le reste est vain. Regardons ailleurs en Europe, du côté de ces régions autonomes qui connaissent le succès économique et sauvent leur culture.
Le système France n’a jamais été aussi faible. La France est une nation fracturée, minée par ses propres contradictions.
Nous ne sommes pas condamnés aux « épluchures ». Il suffit juste de vouloir. Une plateforme bretonne vient d’être constituée pour exiger le statut adapté à notre pays, la réunification et la sauvegarde de notre culture par une politique enfin digne de ce nom. Signons-là ! : (voir le site)
Yvon Ollivier
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