La semaine dernière, lors d’un discours à l’Académie française, le président Emmanuel Macron a suscité une vive controverse en déclarant que « les langues régionales sont un instrument de division de la nation » . Cette phrase, rapportée par le journaliste Michel Feltin-Palas, spécialiste des langues régionales, a choqué des millions de locuteurs et militants qui œuvrent pour la sauvegarde de ces langues menacées en France.
En affirmant que les langues régionales diviseraient la nation, Emmanuel Macron reprend une rhétorique centralisatrice héritée de la Révolution française, qui avait fait de la langue française un outil d’unification au détriment des langues locales. Pourtant, cette position semble ignorer les efforts déployés depuis des décennies pour préserver ce patrimoine immatériel.
Des langues comme le breton, ou même le corse sont déjà en danger critique d’extinction. Selon l’UNESCO, 25 langues régionales en France sont considérées comme vulnérables ou gravement menacées. Cette déclaration est donc perçue comme un affront par les défenseurs de ces langues, qui y voient un désaveu de leur travail et une méconnaissance des enjeux.
Les propos de Macron ont immédiatement suscité des réactions dans tout l'Hexagone, notamment en Bretagne, en Corse, en Occitanie et en Alsace. Beaucoup dénoncent une déclaration méprisante et archaïque . "Dire cela, c'est nier des siècles d'histoire et de culture, et rejeter une partie de l'identité de millions de citoyens français". Macron n'en est pas à une contradiction près puisqu'a Villers-Coterêtts en 2021 il avait déclaré "que «chacun a le droit de connaître, parler ou transmettre sa ou ses langues, et que c’est un droit non négociable» .
En Bretagne, où le breton est enseigné dans des écoles immersives comme Diwan, cette affirmation est perçue comme un obstacle supplémentaire dans la lutte pour la reconnaissance et la préservation de la langue. "Nous ne divisons pas la nation, nous la renforçons en valorisant sa diversité", a réagi un membre de Diwan.
Cette déclaration révèle une fois de plus la fracture entre une vision centralisatrice et jacobine incarnée par Paris, et les aspirations des régions à une reconnaissance de leur spécificité culturelle.
En comparaison, de nombreux pays européens, comme l’Espagne, le Royaume-Uni, ou encore l’Italie, ont adopté des politiques linguistiques qui reconnaissent et protègent leurs langues régionales, souvent en leur octroyant un statut officiel. Ces initiatives sont perçues comme un facteur d’enrichissement et de cohésion sociale.
Pour Michel Feltin-Palas, auteur de nombreux ouvrages sur le sujet, "la France reste enfermée dans un modèle dépassé où la diversité linguistique est vue comme une menace plutôt que comme une richesse".
Alors que le breton, l’occitan ou l’alsacien sont déjà gravement menacés, de telles déclarations risquent de décourager les initiatives en faveur de leur préservation. Les écoles immersives, comme celles du réseau Diwan pour le breton, sont constamment sous pression, que ce soit pour leur financement ou leur légitimité.
"Les langues régionales ne divisent pas, elles rassemblent autour d'une histoire, d'une identité et d'un patrimoine commun", souligne une enseignante en breton. "C'est une richesse que la France devrait protéger, pas ignorer."
Les propos du président Macron ont relancé le débat sur la place des langues régionales en France. Pour leurs défenseurs, loin de diviser, ces langues constituent un patrimoine vivant et précieux, à préserver pour les générations futures.
Face à un contexte où l’UNESCO alerte sur leur disparition imminente, ces langues méritent des politiques ambitieuses, à l’image des pays voisins, et non d’être reléguées au rang de curiosités folkloriques. La déclaration de Macron, perçue comme un énième mépris, pourrait au contraire renforcer la mobilisation de celles et ceux qui, au quotidien, œuvrent pour que ces langues continuent à vivre.
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