Il est normal pour les institutions de se défendre en situation de crise mais, en filigrane, les propos tenus par la DRAC, le préfet du Morbihan et la mairie de Carnac soulignent l’étendue du problème révélé par Sites & Monuments.
En 2014, la « SAS Au Marché des Druides » avait déposé une première demande de permis pour édifier un supermarché. La DRAC avait alors prescrit un diagnostic archéologique sur 6% du terrain concerné. Le diagnostic effectué révélait l’existence deux files d’au moins 38 monolithes au total, déplacés ou en place, dont certains portant des traces d’érosion caractéristiques des alignements du Néolithique.
Par arrêté du 31 juillet 2015, le préfet de Région prescrivait une fouille préventive avant tout aménagement de la parcelle en raison de la présence de monolithes dressés « qui pourraient tout à fait correspondre aux vestiges d’un ouvrage mégalithique de type alignement » .
L’aménageur, la mairie de Carnac et le préfet de département ne pouvaient ignorer l’existence de cet arrêté dont ils ont reçu notification ou copie. Le site était en outre référencé depuis 2015 sur l’atlas des patrimoines établi par la DRAC et figurait sur la liste indicative du projet d’inscription des mégalithes de Carnac au Patrimoine Mondial de l’UNESCO.
Or, un second permis de construire, délivré en 2022 à une « SCI des Menhirs » et une « SAS Bricodolmen » , a conduit à la destruction des monolithes sans fouille préalable et sans étude des blocs, malgré l’arrêté préfectoral du 31 juillet 2015.
Tout en condamnant fermement les menaces dont le maire de Carnac a été victime et sans porter aucune accusation dans ce dossier, les associations Koun Breizh et Sites & Monuments estiment que toute la lumière doit être faite pour identifier les failles qui ont conduit à la destruction des monolithes et établir les responsabilités de chacun.
À cette fin, l’association Koun Breizh a déposé plainte contre X, plainte à laquelle se joindra Sites & Monuments. Une enquête pénale est désormais ouverte et confiée à la Brigade des recherches de Lorient.
La DRAC affirme aujourd’hui que les éléments mégalithiques détruits n’étaient pas d’un « intérêt archéologique majeur » . Comment tirer de telles conclusions alors que les fouilles de la zone n’ont pas été menées et que lesdits éléments n’ont pu bénéficier de techniques de datation modernes ? Saura-t-on un jour mesurer l’étendue du désastre alors, qu’à quelques mètres de là, se tiennent les menhirs les plus anciens de la façade occidentale, c’est-à-dire le berceau de la civilisation mégalithique ?
Les associations regrettent également que le préfet de Région ne songe qu’à éluder ce dysfonctionnement majeur, n’expliquant pas comment une zone faisant l’objet d’un arrêté préfectoral imposant des fouilles peut se retrouver à la merci du premier constructeur venu.
Koun Breizh et Sites & Monuments demandent par conséquent à Mme la ministre de la Culture de faire toute la lumière sur ce dysfonctionnement majeur en lançant une mission d’inspection administrative.
Elles entendent par ailleurs explorer ensemble toute voie de droit dans ce dossier par le biais de leur avocate, Me Le Néel.
Koun Breizh souhaiterait que les permis de construire délivrés dans les zones protégées soient désormais confiés à une seule autorité, la région Bretagne, afin de faire primer l’intérêt général sur les intérêts particuliers.
Les associations regrettent enfin que les Pouvoirs publics fassent aussi peu de cas de la sauvegarde des patrimoines régionaux - dits « petits patrimoines » - dans leurs composantes archéologique, monumentale, culturelle ou linguistique.
Yvon OLLIVIER, Président de Koun Breizh
Julien LACAZE, Président de Sites & Monuments - SPPEF
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