L'incontestable réussite du 18e Festival du livre en Bretagne Tous ceux qui ont connu les débuts du Festival du livre en Bretagne à Carhaix en 1990 et dans les années qui suivirent, savent que cette manifestation a beaucoup évolué au fil des ans, mais, cette fois-ci, elle vient indiscutablement de faire un nouveau grand bond en avant et elle s'impose désormais, non seulement comme un grand rendez-vous culturel annuel, mais aussi comme une manifestation économique incontournable.
Il fallait aux membres de l'association culturelle bretonne Egin une foi à déplacer les montagnes quand ils décidèrent de créer à Carhaix un festival du livre ayant vocation à réunir chaque année l'ensemble de l'édition bretonne, à la veille de la Toussaint. Carhaix n'offrait apparemment guère d'atouts pour un tel festival : pas de librairies, si ce n'est une maison de la presse vendant un peu de livres, une bibliothèque municipale aux moyens limités, pas d'université proche, pas de maisons d'édition dans le voisinage, peu d'écrivains dans le Poher, des liaisons routières médiocres avec les régions les plus peuplées et les plus dynamiques de la péninsule bretonne, un centre Bretagne connaissant un déclin économique et démographique angoissant et gravement handicapé par son écartèlement entre trois départements. En toute logique, Carhaix était vraiment la dernière ville de Bretagne où pouvait se développer un tel festival. Mais c'était compter sans la volonté des habitants, leur capacité à se mobiliser et à se battre ensemble, avec persévérance et détermination contre la spirale du déclin.
La réussite du Festival des Vieilles Charues a stupéfié tout le monde et fait la "une" des journaux à Paris et ailleurs depuis déjà des années, mais, sans être aussi spectaculaire, ni aussi médiatique, le succès du Festival du livre en Bretagne s'inscrit dans la même dynamique et repose aussi largement sur l'engagement de nombreux bénévoles décidés à refuser la fatalité et à se battre ensemble pour mettre leur ville au cœur de l'actualité bretonne chaque année pendant deux à trois jours. Ce que des grandes villes disposant de ressources intellectuelles et financières infiniment plus importantes comme Brest, Nantes ou Rennes n'ont pu réaliser, les habitants du Poher l'ont entrepris et l'ont réussi. Le départ a été difficile. Les premières éditions du Festival se sont déroulées en périphérie, dans une salle de sport où les visiteurs ne se bousculaient pas et où les éditeurs étaient en majeure partie des militants associatifs, notamment de la langue et de la culture bretonnes. Puis, le festival migra au cœur de la ville sous un chapiteau et s'inscrivit vraiment dans le calendrier des événements festifs de Carhaix et du Poher. La venue d'écrivains connus amena la presse à s'intéresser à ce festival atypique où l'on voyait des gens de tous âges et de tous milieux repartir chez eux avec un pot de chrysanthèmes ou un cabas de provisions dans une main et des livres dans l'autre... La réalisation d'un grand équipement culturel, le centre Glenmor, a permis au Festival de trouver une nouvelle dimension en se déployant en partie dans un bâtiment en dur et en partie sous un chapiteau et, cette année, la toute récente extension du centre Glenmor a permis de se passer du chapiteau et d'offrir aux exposants et au public un cadre matériel de réelle qualité. Les éditeurs et leurs auteurs ont disposé de stands comparables à ceux que l'on trouve dans les salons professionnels des grandes métropoles. Toutes les conditions matérielles semblent désormais réunies pour faire monter encore davantage en puissance le festival dans les années à venir en attirant de nouveaux publics de l'ensemble des cinq départements
La réussite du Festival témoigne d'une qualité bien bretonne que certains qualifient parfois d'entêtement, mais qui est la persévérance. Au cours des dix-huit années passées, il y a eu bien des moments difficiles, mais les organisateurs, au sein de l'association Egin, ne se sont jamais découragés et ils ont continué, année après année, à avancer. Il faut saluer le soutien qui ne s'est jamais démenti des pouvoirs publics, d'abord, bien sûr, la Ville de Carhaix, mais aussi le département du Finistère, le Conseil régional et l'État, à travers la Direction régionale des affaires culturelles. Les contribuables peuvent se dire que leur argent a été bien placé car ce festival ne s'est jamais laissé aller à la facilité qui consiste à sous-traiter la quasi-totalité des tâches à des entreprises spécialisées. En 2007, comme en 1990, il repose principalement sur le dévouement enthousiaste d'un grand nombre de personnes. Il est facile de reprocher sur des points de détail un manque de professionnalisme, mais cela donne aussi au festival un esprit et une ambiance qu'on ne trouve pas dans certains festivals très budgétivores où la plupart des tâches sont accomplies par des mercenaires... Le Festival du livre Carhaix est le seul endroit où l'on peut, en quelques heures, prendre la mesure de la richesse de l'édition de livres en Bretagne aujourd'hui. La majorité des éditeurs des cinq départements y prennent part et beaucoup d'entre eux "calent" d'ailleurs la parution de leurs nouveautés du second semestre sur le Festival. On peut y découvrir la plupart des livres qui seront mis en vente en librairie dans le courant du mois de novembre, c'est à dire dans les semaines précédant Noël, période de l'année particulièrement propice à la vente de livres. On ne peut plus travailler dans le domaine du livre en Bretagne, être notamment libraire ou bibliothécaire, et ignorer le Festival de Carhaix. Il est en effet devenu "la" vitrine de l'édition bretonne, un rendez-vous incontournable.
Le chiffre d'affaires réalisé pendant le Festival est réellement important, mais les libraires savent bien que, loin de leur faire du tort, il contribue à attirer l'attention des visiteurs sur des ouvrages dont beaucoup seront achetés chez eux dans les jours et les semaines qui suivent. Le Festival sert surtout à mettre en valeur les auteurs et leurs nouveautés et à créer des envies. Sans lui, il est probable que beaucoup de visiteurs se tourneraient vers d'autres "produits" que le livre pour leurs cadeaux de Noël et de fin d'année. Le Festival joué ainsi un rôle très positif pour l'ensemble de la "filière du livre" pour parler comme les économistes. Le Festival du livre de Carhaix dont l'entrée est gratuite (alors que certains salons du livre en Bretagne sont payants et vont jusqu'à demander un droit d'entrée équivalent au prix d'un livre !), est aussi - il faut le souligner - un des seuls qui offre aux visiteurs un catalogue riche en informations que beaucoup tiennent à conserver jusqu'au festival suivant. Les débats, conférences et rencontres de travail organisés pendant le festival ou dans son ombre contribuent aussi à rapprocher le public et les écrivains ainsi que les diverses professions entre elles.
L'an prochain, le 19e Festival du livre en Bretagne aura lieu à Carhaix le samedi 25 et le dimanche 26 octobre. Chacun peut déjà noter ces dates pour 2008. Quant aux organisateurs, ils réfléchissent déjà à de nouvelles améliorations à apporter à cette manifestation, qui ne semble pas avoir de véritable équivalent dans les autres régions.