Cet article est une réponse aux amalgames souvent opérés par les médias parisiens mais aussi par des médias dits "régionaux" comme Le Télégramme ou Ouest-France. Un de ces amalgames, apparu durant les dernières élections régionales en 2015, fut de mettre tout le monde dans le sac "régionalistes", un autre plus malicieux consiste à désigner par "identitaires" les nationalistes ou indépendantistes ou vice versa.
Un régionaliste est une personne qui demande plus de pouvoirs pour la région Bretagne et donc qui s'oppose à l'idéologie dominante centraliste dite "jacobine". Lors des dernières élections régionales, tous les candidats se disaient "régionalistes" sauf ceux du Front National ou du Front de Gauche. Les régionalistes sont strictement républicains même si certains demandent une 6e république fédérale. Il y a des régionalistes de droite et des régionalistes de gauche. La très grande majorité des Bretons sont régionalistes : 56% des Bretons veulent plus de pouvoir pour la région selon le sondage CRAPE/ESF de 2009 ( voir notre article ) . 70% des Bretons des 5 départements veulent la réunification selon l'association Bretagne Réunie et il est tout à fait acceptable de considérer qu'un pro-réunification est au minimum un régionaliste.
Les autonomistes veulent aller plus loin que les régionalistes. Ils demandent des changements institutionnels donnant non seulement plus de pouvoirs à la région mais aussi le droit de lever des impôts conséquents, un pouvoir réglementaire territorial au moins comme en Corse ou comme dans un Land allemand qui est aussi doté d'un gouvernement et de ministères comme chacun sait. Les autonomistes comme les régionalistes votent le plus souvent PS ou Les Républicains au second tour des élections. Le premier parti autonomiste breton (PAB) fut créé en 1927. L'Union démocratique bretonne créée en 1964 est un parti autonomiste qui se revendique à gauche. Le parti Breizh Europa créé en 2013 est aussi un parti autonomiste situé centre droit.
Selon Wikipédia, le fédéralisme est un système d’organisation, d’administration et de gouvernement dans lequel l’État est organisé en fédération et partage avec les États fédérés les diverses compétences constitutionnelles. En France, les fédéralistes n'existaient plus depuis le décret de la convention du 10 mai 1793 qui déclare "l’unité et l’indivisibilité de la République". Les fédéralistes sont proscrits, certains guillotinés, le parti fédéraliste interdit. Ils réapparaissent en Bretagne 150 ans plus tard avec Le Mouvement fédéraliste de Bretagne (MFB) créé en 1930 qui est réapparu en 2004 lors des élections régionales avec l'Alliance Fédéraliste Bretonne-Emglev Kevredel Breizh (AFB-EKB). La branche bretonne du Parti Fédéraliste Européen (PFE-BZH) a été créé en mars 2015. Selon Jean-Jacques Urvoas, Garde des sceaux, la France est déjà un État fédéral de par les statuts des territoires d'Outre-mer et même de la Corse.
Petite précision concernant les fédéralistes. L'AFB/EKB n'est en aucun cas "la branche bretonne" du parti fédéraliste européen (PFE). La branche bretonne du PFE s'appelle le parti fédéraliste européen-section Bretagne/Breizh (PFE-BZH), fondée le 13 mars 2015. L'AFB/EKB est dirigée par le Dr Jean-Louis Le Mée.
On précise "bretons" car il y a des nationalistes français en Bretagne, Bretons ou pas Bretons. Un nationaliste breton est quelqu'un qui estime que les Bretons forment un peuple distinct, que ce peuple a constitué une nation souveraine, et que cette nation doit retrouver sa souveraineté dans le cadre européen. Les nationalistes bretons se définissent souvent eux-mêmes par comparaison avec les nationalistes écossais du SNP ou aux Catalanistes en Catalogne. Ils affirment s'inscrire comme une composante d'un vaste mouvement européen vers le retour aux peuples fondateurs. Comme en Ecosse, les nationalistes bretons se situent le plus souvent au centre gauche mais certains sont de droite libérale. Le premier parti nationaliste breton (PNB) fut créé en 1911. Le Parti Breton créé en 2000 est un parti nationaliste.
Il y a très peu de différences entre un nationaliste breton et un indépendantiste. Celui qui veut l'indépendance reconnaît une nation bretonne et est donc nationaliste. La plupart des nationalistes veulent l'indépendance, le seul moyen pour eux de préserver une nation dans le contexte géopolitique actuelle du monde. Une infime minorité de nationalistes croit que la France pourrait être un état multi-national, les autres sont indépendantistes. Un sondage paru dans la première version du magazine Bretons de février 2013 révèle qu'il y a 18% d'indépendantistes en Bretagne. Pour le sondage de 2009 du CRAPE, seulement 4,6%. Pour celui du CSA-Le Télégramme réalisé en 2000 , la somme des "très favorables" et "plutôt favorables", s'élevait à 23% sur les 5 départements. Il semblerait que les réponses varient selon les moments et selon la nature de la question. Les nationalistes comme les indépendantistes s'abstiennent le plus souvent de voter aux seconds tours des élections nationales ou régionales.
Les nationalistes bretons sont parfois appelés "identitaires" par la presse parisienne--ce qui est malencontreux car le mot "identitaire" désigne une tendance politique en France et qui n'est pas du tout spécifique à la Bretagne. Elle est située à l'extrême droite de l'échiquier politique, très proche du Front National. Pour rappel, le FN est un parti politique français opposé à toutes les identités qui ne seraient pas l'identité française. Il prône l'assimilation aussi bien des Berbères, que des Alsaciens ou des Bretons. Même s'il prétend défendre les intérêts bretons, un identitaire est une personne plus concernée par l'arrivée de Musulmans en Bretagne que par la francisation en marche depuis quatre siècles et la disparition progressive de tout ce qui est breton (langues, culture propre, façon de penser propre etc). Un identitaire breton est une personne qui vote Front National au second tour des élections.
Aucun sondage n'a été fait en Bretagne sur les raisons du refus d'aller voter. Il y a bien sûr de nombreuses raisons de ne pas aller voter d'autant plus que le vote blanc n'est pas pris en compte dans les analyses des résultats-- sans parler du système à deux tours qui pousse les électeurs à voter pour des gens avec qui ils sont en désaccord profond. Par contre, il est certain qu'une partie de ces abstentionnistes ne votent pas aux élections "nationales" tout simplement parce qu'en tant que Bretons, ils n'en reconnaissent pas la légitimité.