Les propos tenus par un candidat à la fonction suprême au sujet de la sécurité des nantais liée au survol des populations par les avions, justifiant ainsi le besoin de création (et déménagement ?) de l'aéroport nantais actuel, posent question. Ce candidat pèche au mieux par méconnaissance d'un dossier simple, ou, au pire, sciemment par omission.
Il n'y a pas de problème de sécurité à l'aéroport de Nantes-Atlantique (appliquons alors immédiatement le sacro-saint principe de précaution là où les avions survolent les villes, c'est-à-dire à Marseille, Toulouse, Bordeaux, Paris Orly et Le Bourget pour ne citer qu'elles... en France).
Vous ne trouverez dans aucune documentation technique ou scientifique quelconque détail et/ou
précision sur cette pseudo dangerosité, puisqu'elle tient uniquement de l'argumentaire orienté et subjectif, ou comment faire douter élus et citoyens avec des arguments « frelatés ».
Il n'y a pas de saturation à l'aéroport de Nantes-Atlantique. Vous ne trouverez pas non plus le moindre critère de saturation (environnement, piste, infrastructures, logistiques) accréditant la nécessité d'un irrémédiable déménagement du sud Loire vers le nord Loire de l'aéroport Nantais. Ces critères sont explicités et détaillés dans la littérature éditée par la Direction de l'Aviation Civile, tutelle du ministère des Transports. Encore une vue de l'esprit !
Quant aux perspectives de croissance de l'activité aérienne locale, il faut effectivement se projeter dans une, deux, trois décennies. Rien n'indique cependant que ce transport aérien va poursuivre sa croissance de manière linéaire et constante. Aucune des 2 organisations telles que l'Association Internationale du Transporteurs Aérien (IATA), regroupant 90 % des compagnies aériennes de la planète, ou l'Organisation de l'Aviation Civile Internationale (OACI) ne se risquerait à faire la moindre projection compte tenu des perpétuels aléas structurels et conjoncturels qui impactent sans cesse ce transport aérien.
Pour preuve :
– la seule croissance espérée pourrait l'être en Asie et au moyen Orient. Rien d'envisagé ou imaginé en Europe ! La cause est simple. La croissance anémique et le coût de la matière première : le baril de Brent (par conséquence le kérosène).
– La santé actuelle des compagnies aériennes européennes (et de fait le marché local nantais :
on part de Nantes pour y revenir un peu plus tard surtout pour des vols vacances...) est dramatiquement déficitaire. Les compagnies majeures comme Lufthansa, SAS Scandinavian, IAG Iberia-Bristih Airways, Alitalia, Air Portugal et bien d'autres en Europe sont au plus mal financièrement et envisagent, pour limiter leurs déficits, des plans sociaux drastiques. Air France n'échappe pas à la règle avec un déficit de 809 millions d'€uros net sur les 9 derniers mois de l'exercice 2011, et s'apprête à des mesures sociales extrêmement douloureuses pour 2012 voire 2013.
– Le marché Lowcost ne croît plus, ses coûts de production étant par définition au plus bas ; ces compagnies fortement subventionnées par divers organismes, dont les collectivités locales et les gestionnaires d'aéroports, n'arrivent plus à endiguer la flambée des prix du kérosène (pardon, ce ne sont que des aides aux marketing pour l'Europe...). Au delà de 95 dollars, les modèles économiques en terme de transport aérien ne tiennent plus en Europe où le trafic et le marché sont particulièrement denses. En deçà d'une croissance du PIB inférieure à 2 %, idem, mêmes résultats (cf les rapports successifs de l'IATA).
Pourquoi alors Nantes-Atlantique et le projet de Notre-Dame des Landes échapperaient-ils à la règle ?
Ce projet serait un « aspirateur de croissance » plus au Nord qu'au Sud de la Loire ?
– Et pourquoi pas l'inverse ?
– Il créerait de l'emploi ?
Pourquoi pas en modernisant déjà l'existant ?
C'est bien peu maîtriser le transport aérien que d'annoncer la nécessité de cannibaliser des terres agricoles et d'artificialiser encore plus le terrain et la campagne environnante ! Nous sommes champions en la matière ici en Loire-Atlantique !
À moins que la problématique énoncée ne soit pas celle qu'on voudrait nous vendre...
Des alternatives à ce projet, alternatives chiffrées et techniques, ont vu le jour
Elles ont été argumentées et distribuées aux décideurs et politiques locaux et nationaux sans jamais avoir souffert de la moindre contradiction (Étude puis rapport CE Delft, une organisation qui planche sur les coûts/bénéfices pour la société de ce type d'hyper structure et ne peut mettre en cause son professionnalisme et sa légitimité sur cette étude).
Rien n'y fait ! Ancrés dans cette logique de fuite en avant, nos dirigeants publics et privés – Groupe Vinci comme gestionnaire entre autres – persistent et signent.
Il faut cet aéroport, parce que c'est un projet national pour certains, une problématique locale pour d'autres, une évidence vieille de plus de 40 ans !
On nous dit, Déclaration d'Utilité Publique à l'appui, qu'il faut faire ce transfert du sud vers le nord.
Mais rien ne condamne l'aéroport existant (présence actuelle du site industriel Airbus, zone de chalandise, fret aérien, aviation d'affaire, aéroclub...).
Notre-Dame des Landes est le seul projet d'aéroport en Europe
Ce projet nantais est budgété à des valeurs extrêmement faibles alors que, dans une période identique, des aménagements d'autres aéroports voisins (Londres Stansted ou Berlin Tegel) ont des budgets 4 à 5 fois supérieurs !
Mais encore faut-il que les données qui ont servi a élaborer ce projet d'Aéroport du grand Ouest soient irréprochables
Il est aisé d'en dénoncer les chiffres extraordinairement « bricolés », ne reposant que sur des projections ou perspectives autant douteuses que fantaisistes.
Si ce type de projet n'était pas contestable au plus petit détail près – projet actuellement fortement revu à la baisse avec la réduction des longueurs de pistes et de leurs servitudes, réduction des parkings avions... – alors OUI, il faut le concrétiser.
Mais nous ne croyons pas que tant d'énergies puissent être engagées, à la fois dans les méandres des organisations professionnelles et au plus haut niveau des diverses organisations politiques pour combattre ce projet d'aéroport, si nous n'étions pas dans une logique inverse : on ne peut pas tabler sur la philanthropie des exploitants aériens pour faire exister un aéroport.
– Pour quoi faire ?
– Sous quelles conditions sociales et économiques ?...
A moins de satisfaire à quelques folies des grandeurs locales...
Si ce type de projet n'est pas plus finement abordé, d'autres thématiques nationales, à l'image de ce projet d'Aéroport du Grand Ouest, le seront aussi sans que les meilleures solutions ne soient étudiées, abordées, discutées de manières strictement objectives, lucides et responsables.
Éternels gâchis ? Il y a urgence dans tous les secteurs impactés par ce même projet.
Cela ne peut plus durer !
Pour le Collectif des Pilotes doutant de la pertinence du projet Notre-Dame des Landes
Thierry Masson, officier Pilote de Ligne
thierrymsn [at] aol.com