Toujours prompt à défendre la Bretagne, Jean-Yves Le Drian n'a jamais été aussi heureux, affirme-t-il. Il se verrait bien rempiler en 2010 à la présidence du Conseil régional. Mais, où en sont la réunification de la Bretagne, la langue et le pouvoir régional ? L'énergie déployée, la capacité de dialogue et la volonté de consensus de Jean-Yves Le Drian ont-elles permis de faire avancer les sujets chers au mouvement breton dont il se revendique dans cet entretien ? Bilan d'étape avec l'homme au ciré jaune.
La réunification à petits pas
Ronan Le Flécher -Franchement, avez-vous la sensation d’avoir avancé depuis 2004 sur le dossier de la réunification de la Bretagne ?
Jean-Yves Le Drian - Oui. La Loire Atlantique et la région Bretagne, nous nous sommes rapprochées.
Pensez-vous que cette réunification se fasse un jour ?
Oui.
Quand cela ?
Lorsqu’un référendum sera organisé. Après la délibération du Conseil régional de Bretagne, j’ai saisi le préfet de région. Le président du Conseil général de Loire Atlantique a fait de même. J’attends que la puissance publique se décider à organiser ce référendum.
Le résultat du vote sera positif, selon vous ?
Je pense que oui pour la Bretagne administrative. J’en ai aussi le sentiment pour la Loire Atlantique.
Grogne du mouvement culturel
L’objectif de 20000 enfants scolarisés en 2010 dans les filières bilingues sera-t-il atteint ?
Difficilement. Tous les ans, on progresse, mais pas suffisamment à mon goût. Sauver la langue bretonne, c’est l’essentiel de l’essentiel. Nous avons énormément aidé Diwan. Le Conseil régional a augmenté de 55 % le budget consacré à la langue bretonne. C’est considérable.
De l’Institut Culturel au Conseil Culturel de Bretagne, on sent monter la grogne. L’emsav avait de fortes attentes à votre égard.
L’emsav, ce sont des gens qui agissent. Le mouvement culturel breton, c’est aussi BAS et Kendalc’h avec lesquels mes relations sont très bonnes. Breizh Touch, c’est aussi l’emsav. Moi aussi, je fais partie de l’emsav. N’oubliez pas que je suis aussi un peu à l’origine du festival de Lorient. Il faut repenser, régénérer l’Institut Culturel et le Conseil Culturel de Bretagne. A l’automne, il devrait y avoir du neuf pour les outils de la charte culturelle.
Le rêve irlandais
Que manque-t-il à la Bretagne pour devenir un véritable tigre celtique à l’image de l’Irlande qui a l’air de vous inspirer ?
Les compétences et l’autonomie fiscale. Lorsque je compare les responsabilités et les capacités financières de régions européennes à celles de la Bretagne, c’est le jour et la nuit. Quand notre budget atteint cette année le milliard d’euros, celui du Pays de Galles tourne autour de 9 milliards d’euros.
Dans vos rêves les plus fous, la Bretagne fonctionnerait sur quel modèle politique ?
Si j’avais une baguette magique, les régions auraient leurs compétences actuelles et seraient responsables du développement économique, de l’aménagement du territoire, de la santé et des universités. Comme en Grande-Bretagne ou en Espagne, cela m’irait bien.
Quel serait votre budget de référence ?
Le budget de la Galice qui a une population équivalente à celle de la Bretagne : environ 21 milliards d’euros. Cela ne peut marchera qu’au prix d’une vraie dévolution de compétences et d’un vrai transfert financier.
Le pouvoir régional : un long combat
En 2003, vous affirmiez que « le pouvoir, ça se prend ». Avez-vous le sentiment d’avoir réussi à prendre ce pouvoir ?
Par ces mots, je voulais expliquer que devrait être saisie toute opportunité qui se présenterait à la région. C’est la raison pour laquelle nous avons pris la responsabilité des ports et des canaux. Nous avons demandé la responsabilité de la culture et de la gestion de l’eau. L’Etat nous les a refusées. Aujourd’hui, nous aspirons à devenir région expérimentale suite à la mise en place d’un service public de l’emploi et à la fusion entre l’UNEDIC et l’ANPE. Nous ne sommes absolument pas timorés par rapport aux responsabilités potentielles.
Pourtant, votre volontarisme semble ne pas suffire. On s’attendait à ce que vous imposiez un pouvoir régional de manière plus affirmée.
Je le voudrais bien. Mais, on aurait tort de sous-estimer le jacobinisme. Le pouvoir régional est un long combat. Il se prend pièce à pièce.
Propos recueillis par Ronan Le Flécher