Arrêt du 28 octobre 2004
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Par sa requête, la Commission des Communautés européennes demande à la Cour de constater que, en s’abstenant de respecter les exigences de la directive 80/778/CEE du Conseil, du 15 juillet 1980, relative à la qualité des eaux destinées à la consommation humaine (JO L 229, p. 11), pour ce qui concerne la teneur en nitrates de l’eau de consommation en Bretagne, la République française a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 7, paragraphe 6, et de l’annexe I de cette directive.
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Fondée sur l’article 235 du traité CE (devenu article 308 CE), la directive 80/778 a été adoptée eu égard à l’importance pour la santé publique des eaux destinées à la consommation humaine et au fait qu’apparaissait nécessaire une action de la Communauté visant à réaliser l’un des objectifs de cette dernière dans les domaines de l’amélioration des conditions de vie, d’un développement harmonieux des activités économiques dans l’ensemble de la Communauté et d’une expansion continue et équilibrée, ainsi qu’il ressort des premier et troisième considérants de la même directive.
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Aux termes de l’article 7, paragraphe 6, de la directive 80/778, les États membres prennent les dispositions nécessaires pour que les eaux destinées à la consommation humaine soient au moins conformes aux exigences spécifiées à l’annexe I de cette directive. L’annexe en question indique, s’agissant du paramètre «nitrates», une concentration maximale admissible de 50 mg/l.
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Selon l’article 19 de la même directive, les États membres devaient prendre les dispositions nécessaires pour que la qualité des eaux destinées à la consommation humaine soit rendue conforme à cette directive dans un délai de cinq ans à compter de sa notification, à savoir au plus tard le 15 juillet 1985.
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La Commission a engagé la procédure en manquement après avoir été informée que, dans des publications officielles émanant des autorités françaises, parues en avril 1999, il était indiqué qu’un pourcentage considérable de la population totale de la région Bretagne était alimentée en 1998 avec de l’eau présentant de façon temporaire ou permanente une concentration en nitrates supérieure à la valeur maximale admissible mentionnée à l’annexe I de ladite directive.
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Après avoir demandé des informations à ce sujet aux autorités françaises et après avoir mis la République française en demeure de présenter ses observations, la Commission a, le 19 décembre 2002, émis un avis motivé invitant cet État membre à prendre les mesures nécessaires pour s’y conformer dans un délai de deux mois à compter de sa notification. À la suite de la réponse des autorités françaises du 19 février 2003, la Commission a décidé d’introduire le présent recours.
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Lors de la phase précontentieuse et pendant la procédure écrite devant la Cour, les autorités françaises n’ont pas contesté que la qualité des eaux destinées à la consommation humaine en Bretagne n’était pas toujours conforme à la valeur limite en nitrates prévue par la directive 80/778. Elles ont seulement fait valoir que, depuis 1999, il y a une nette amélioration de la situation, qui porte tant sur le pourcentage de la population bretonne exposée à ce dépassement de la valeur limite que sur la concentration maximale en nitrates. Les autorités françaises ont fait état, à cet égard, des efforts préventifs engagés et des mesures curatives prises, ainsi que d’un «plan d’action» adopté en février 2002 par l’ensemble des acteurs locaux concernés.
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La Commission admet que la situation présente une amélioration. Toutefois, elle constate que, à l’échéance du délai fixé dans l’avis motivé, à savoir le 19 février 2003, les autorités françaises n’ont pas pu démontrer que toutes les eaux destinées à la consommation humaine en Bretagne présentaient une teneur en nitrates conforme aux exigences de la directive 80/778. Elle conclut donc à la constatation du manquement.
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Il convient de relever à cet égard que l’objectif d’intérêt général poursuivi par la directive 80/778, à savoir la protection de la santé publique, requiert que toutes les eaux destinées à la consommation humaine soient conformes aux exigences de cette directive.
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Il est de jurisprudence constante que l’existence d’un manquement doit être appréciée en fonction de la situation de l’État membre telle qu’elle se présentait au terme du délai fixé dans l’avis motivé (voir, notamment, arrêts du 11 octobre 2001, Commission/Autriche, C-110/00, Rec. p. I-7545, point 13, et du 13 mars 2003, Commission/Espagne, C-333/01, Rec. p. I-2623, point 8).
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Dès lors que, à cette date, le résultat voulu par la directive 80/778 n’était pas pleinement atteint, le recours introduit par la Commission doit être considéré comme fondé.
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Par conséquent, il convient de constater que, en ne respectant pas les exigences de la directive 80/778, pour ce qui concerne la teneur en nitrates des eaux destinées à la consommation humaine en Bretagne, la République française a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 7, paragraphe 6, et de l’annexe I de cette directive.
Sur les dépens
13 Aux termes de l’article 69, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La Commission ayant conclu à la condamnation de la République française et celle-ci ayant succombé en ses moyens, il y a lieu de la condamner aux dépens.
Par ces motifs, la Cour (quatrième chambre) déclare et arrête:
1)En ne respectant pas les exigences de la directive 80/778/CEE du Conseil, du 15 juillet 1980, relative à la qualité des eaux destinées à la consommation humaine, pour ce qui concerne la teneur en nitrates des eaux destinées à la consommation humaine en Bretagne, la République française a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 7, paragraphe 6, et de l’annexe I de cette directive.
2)La République française est condamnée aux dépens.
source: (voir le site)