La justice française est malade. Malade de ses lois d’exceptions que le législateur a mises en place depuis 1986 pour remplacer la cour de sureté de l’État, défunte en 1981. Une série de lois qui encadrent le fonctionnement de la quatorzième section, anti-terroriste, du parquet de Paris. Aujourd’hui l’actualité nous donne une nouvelle fois l’occasion de constater les limites de cette juridiction que l’on peut qualifier de politique même si ses différents membres, policiers et magistrats, s’en défendent.
"Dans un état de droit le sort de l’ensemble des justiciables est entre les mains de juridictions de droit commun."
Procès politique parce que dans la majorité des cas dés le début de l’enquête, les (ou le) présumés coupables sont désignés par un haut responsable politique en fonction, le ministre de l’Intérieur en général, à grand renfort de publicité dans les médias. "Il en résulte une instruction effectuée exclusivement à charge où les actes réclamés par la défense sont le plus souvent refusés par le juge anti-terroriste chargé de l’instruction."
Le procès en appel d’Yvan Colonna est un exemple concret des dérives judicaires de la justice d’exception. Ce procès devant la cour d'assises spécialement composée rejugeant Yvan Colonna a déjà été émaillé de nombreux incidents. Incidents résultant toujours du refus par les juges d'appel d’actes demandés par la défense. Le dernier, celui d’effectuer une reconstitution de l’assassinat du préfet, vient de faire monter d’un cran les tensions dans le prétoire.
"Le pouvoir politique au secours de la cour par l’intervention, dans les médias, du procureur général de Paris qui est nommé par la chancellerie."
Au lendemain de ce refus, fait très rare, le procureur général de Paris Laurent Le Mesle a donné en plein procès des interviews mercredi dernier à deux médias, RTL et LCI, pour exprimer son soutien au président de la cour d'assises Didier Wacogne, attaqué par la défense.
"Sans aucun doute le rapport de la FIDH, qui a mandaté des observateurs pour suivre ce procès, ne pourra que dénoncer les pratiques de cette juridiction comme elle l’avait déjà fait pour le procès en première instance (12 novembre au 14 décembre 2007)."
Autre exemple significatif des dérives de cette section anti-terroriste celui du maintien en détention de Julien Coupat, que les responsables politiques ont présenté, à grand coup de publicité, comme "le leader " d’une "cellule invisible" dans l’affaire des sabotages SNCF. Pour la quatrième fois sa demande de libération conditionnelle a été refusée. Depuis le début, il a toujours nié les faits qu’on lui reprochait. Son avocate affirme même que les mis en examen dans cette affaire avaient "éclairci de façon limpide leurs déclarations". Il est maintenu en détention plus pour sa personnalité, pour ses écrits et non pour des actes. "Pour le pouvoir politique c'est lui aussi un coupable idéal".
Michel Herjean