Lors du projet de loi relatif à l’élection des représentants français au Parlement Européen, le député du Morbihan Paul Molac est revenu sur la crise de l’Europe actuelle, qui trouve des similarités avec notre histoire. L’important aujourd’hui est de dépasser les souverainismes des Etats Européens pour former une Europe forte, fédérale et solidaire où l’idée européenne perdure. C’est peut-être là le point essentiel, le Brexit révèle, à l’évidence, une crise de l’idée européenne, mais aussi des États-nations, des États européens. Ces États se sont progressivement constitués, pour la plupart d’entre eux, à partir du XVIe siècle. Et, souvent, ils ont prétendu construire une Europe à leur image. C’est ce qui s’est passé avec les Habsbourg, puis avec Louis XIV et Napoléon, mais aussi avec Adolf Hitler. Chaque fois, le pays le plus puissant en Europe entend mettre l’Europe à sa botte. Mais cela ne marche pas. Au point que c’est en 1945, alors que les Européens de l’Ouest étaient dominés par des pays quasiment extra-européens – quasiment, parce que les États-Unis nous sont proches quant à la civilisation et que la Russie, au moins dans sa partie occidentale, appartient à l’Europe – et l’Allemagne occupée par des armées étrangères, qu’est née l’idée européenne. C’est-à-dire que ce sont les États européens qui nous avaient conduits au chaos ! Aujourd’hui, ces États se cherchent ; entre l’Europe d’un côté et les régions de l’autre, ils ont bien du mal à inventer un nouvel eldorado, un avenir. Une illustration claire en est fournie par le Brexit, où l’on voit le nationalisme anglais se heurter à d’autres visions. Que fera l’Écosse, en effet, quand viendra le Brexit ? Il y a fort à parier qu’elle redemandera un référendum sur son indépendance et que, cette fois, elle le remportera ; elle demandera donc à intégrer l’Union européenne. De sorte que si les États se détruisent en quelque sorte, l’idée européenne, elle, perdure. Le même problème va se poser pour l’Irlande du Nord, sans doute le pays sur lequel le Brexit aura le plus de conséquences, à cause de la fameuse frontière que nos amis irlandais ont très peur de voir réapparaître, et avec elle la guerre civile qu’ils ont vécue des années soixante au Good Friday de 1998. La question du statut de l’Irlande du Nord risque d’être soulevée à un moment donné. Les Gallois sont travaillés par les mêmes interrogations. On pourrait croire qu’il s’agit d’une question uniquement britannique ; mais ce n’est pas le cas. Voyez l’Espagne, la crispation à propos de la Catalogne et la manière dont des éléments « espagnolistes » utilisent la justice pour maintenir en prison depuis deux ans des personnes qui ont été librement élues sur un programme. On voit bien pourquoi les nationalismes des grands États peinent à composer avec l’Europe : celle-ci suppose de négocier à plusieurs alors qu’ils ont déjà du mal à le faire avec leurs propres régions. Et la France n’est pas exempte de ce travers : les Corses défendent des revendications que je juge relativement modérées, mais qui ne trouvent aucun écho à Paris. C’est à mes yeux une erreur. Car nous avons à inventer une forme nouvelle d’intégration européenne – sans quoi les différents États européens seront tout simplement dominés par des pays extra-européens. Nous avons, d’une certaine façon, de la chance : l’histoire – la révolution industrielle a commencé dès la fin du XVIIIe siècle au Royaume-Uni – nous a donné une force tout à fait exceptionnelle, qui a permis à nos pays de devenir de grands pays coloniaux, lesquels ont dominé le monde. Mais il faut être conscient du fait que cette époque est révolue. Quand les Chinois, comme les Indiens, sont plus d’un milliard, la France pèse 1 % de la population mondiale. J’en appelle donc à vous, mes chers collègues : soyons lucides quant aux enjeux et à la nécessité d’évoluer en étant à la fois plus européens et plus locaux.Ce communiqué est paru sur Le blog de paul Molac