[Première partie]
Argenteuil/Bezons en 2009, Nice en février 2010, le Parti de Gauche (PG), la formation créée par le tonitruant Jean-Luc Mélenchon vit au rythme des exclusions et départs plus ou moins contraints.
La première crise date de la fin 2009 quand la section Argenteuil/Bezons se fait exclure dans sa quasi-totalité (20 militants sur 23) pour cause de «trop grande ouverture des réunions PG aux sympathisants».
«Le parti est verrouillé, impossible jusqu'à récemment d'exercer de droit de tendances. La direction est revenue il y a peu sur ça mais dans les faits il est impossible de mettre en place une tendance. C'est le PCF des années 30 !» selon Jean-Michel Tarrin.
Joint par téléphone, ce vétéran de la gauche en banlieue parisienne, passé depuis à «Gauche Unitaire», nous confirme les termes du communiqué publié à l'époque, soulignant en termes appuyés «l'absence totale de démocratie interne, les candidatures pré-arrangées par le clan Mélenchon lors des élections internes», les parachutages «pour pouvoir tout contrôler !». «A Colombes, le PG a une conseillère municipale qui s'est présentée à l'élection suivante dans... l'Oise ! En fait la démocratie selon Mélenchon c'est la démocratie dirigée».
En février 2010 c'est Nice qui vit un de ces psychodrames dont les formations d'extrême-gauche ont le secret. Là encore les mêmes mots reviennent «parti totalement anti-démocratique voire totalitaire, équipe dirigeante auto-proclamée, fabrication de comités locaux», etc.
Dans un long texte paru sur le site du NPA 06 (voir le site) , les critiques sont cinglantes et pêle-mêle le lecteur découvre «que le PG national soutient un coordinateur local adjoint d'un maire UMP et rejette toute idée de vote interne» («le parti ne doit pas se plier à la démocratie par le nombre»).
L'économiste Christophe Rameau tirera la même conclusion en janvier 2011 en quittant avec pertes et fracas le parti. «Petit groupe discipliné», «ligne politique trop aléatoire, peu sérieuse», «phénomènes d'autosatisfaction et de cour en cascade», «énergie disproportionnée mise à critiquer les médias», la critique est acerbe et révèle la tendance de Jean-Luc Mélenchon à copier jusqu'à la caricature le fonctionnement du PCF de la grande époque.
Mais le plus étonnant est le fossé existant entre le discours et l'image «prolétariste» du sénateur trublion et la réalité interne du parti. En effet, l'organigramme du PG révèle des personnalités aux parcours, activités et accointances fort peu révolutionnaires.
Raquel Garrido, par exemple, est une militante multi-cartes. Très proche de Jean-Luc Mélenchon (elle est au premier rang des lieutenants du trublion sur les écrans le soir du premier tour des dernières cantonales), chargée des relations internationales, cette juriste en droit international du travail d'origine chilienne devenue aujourd'hui avocate, passée par l'UNEF-ID, SOS Racisme, le Parti Socialiste et FO à un poste-clé (en charge des négociations auprès de l'OMC et représentante FO à l'OIT notamment) dirige, avec son mari Alexis Corbière, également membre du secrétariat national du parti, un label musical indépendant, Misty Productions, dont l'artiste phare est Mistysa. Cette chanteuse de Soul / R n' B connaît un certain succès au Chili d'où elle est originaire.
Jusque là rien de bien hétérodoxe par rapport à l'idéologie puritaine revendiquée par Jean-Luc Mélenchon. Mais les activités de Mistysa semblent s'accommoder d'une certaine collaboration avec le capitalisme le plus sauvage : le lancement au Chili de son dernier album «Macumba» aura eu lieu dans l'auditorium de la Fondation Telefonica, c'est-à-dire une émanation de Telefonica, la sixième compagnie mondiale en matière de téléphonie (première compagnie espagnole) vouée régulièrement aux gémonies par tous les syndicats du monde latino-américain pour ses méthodes fort peu sociales.
Raquel Garrido, prompte à ostraciser toute forme de collaboration avec le «grand capital», ne semble pas gênée par cette entorse à la doctrine «classe contre classe» (rebaptisée «Front contre front» par le PG).
Son mari et associé Alexis Corbière, maire-adjoint du XIIe arrondissement de Paris, est quant à lui, tout aussi traditionaliste concernant la lutte des classes. Membre de la Libre-Pensée, tendance guillotineuse. Celui-ci soutiendra d'ailleurs une pétition de ladite organisation protestant contre le refus de baptiser une rue de Paris, rue Robespierre, du nom du grand démocrate de l'époque révolutionnaire (Mensuel de la Libre Pensée «La Raison» mars 2011). Signalons également que son blog affiche, ce même mois, une ode à un autre grand démocrate... Georges Marchais.
Outre le couple Garido-Corbières, le Parti de Gauche compte également un camarade pétri de contradictions : Éric Coquerel, secrétaire du pôle «relations unitaires et élections» et membre du Secrétariat National. Cet ancien de la LCR, ancien chevènementiste et ancien du MARS (Mouvement pour une Alternative Républicaine et Sociale) est un anti-libéral convaincu.
Dissertant sur le sort «de la paysannerie» au Salon de l'Agriculture, fustigeant le libéralisme et le libre-échange, Éric Coquerel est dans le civil un... patron d'agence de communication. Spécialisée dans la communication maritime, l'agence «Effets Mer» gravite dans le milieu fort peu prolétarien des sports de mer en gérant notamment la communication de la Fédération Française de Voile, du tour de France à la Voile, du comité olympique français auxquelles s'ajoute celle des sociétés PRB, le premier fabricant indépendant d'enduit pour le bâtiment employant 350 personnes. L'histoire ne dit pas si Effets Mer gère également la communication du groupe auprès de ses employés.
Mais le plus surprenant est encore....
[La suite prochainement]