Cette autoroute de la mer, qui n'est encore qu'une route départementale par la modestie de son trafic, monte progressivement en puissance depuis son ouverture le 8 septembre dernier. Cette nouvelle ligne est une belle opportunité pour renouer avec les liens maritimes entre la Bretagne et la côte cantabrique qui furent si importants au Moyen Âge à l'apogée de l'État breton et au moment de la Révolution Industrielle. Saint-Nazaire a eu aussi des liens particuliers avec Gijón à la grande époque de la Compagnie Générale Transatlantique. Jusqu'en 1940 les paquebots qui partaient du grand port breton pour La Havane et Vera Cruz faisaient escale à Santander, Gijón et La Corogne pour capter la clientèle espagnole.
Le 8 septembre 2010 pour le voyage inaugural il n'y avait que 46 passagers à embarquer sur le Norman Bridge de la Compagnie Louis-Dreyfus. C'est un chauffeur galicien qui a été le dernier à embarquer au volant de son camion en provenance de Cork avec un chargement de poisson pour Vigo. Le commandant Matt Conyers avait accédé à la demande du routier de reculer le départ de 40 minutes pour qu'il puisse embarquer. Il est permis de penser que cette dérogation était grandement liée au fait que ce voyage était un teste grandeur nature.
La signalisation du terminal roulier de Montoir-de-Bretagne doit être sérieusement améliorée car elle aggrava grandement le retard de l'infortuné routier galicien. Un couple de Marocains arrivant de Rennes s'était, lui, perdu du côté de Penhoët et ne put arriver à temps que grâce à la disponibilité d'un Nazairien qui le mena jusqu'à l'entrée du terminal. Le Norman Bridge larguait les amarres à 21 h 43. Des journalistes asturiens de La Nueva España et de El Comercio étaient du voyage pour couvrir ce moment historique. À l'arrivée à Gijón il n'y avait pas moins de 3 télévisions et plusieurs radios pour accueillir, en compagnie des responsables du port asturien, les passagers en provenance de Saint-Nazaire.
Il reste maintenant un important travail de sensibilisation des milieux du transport routier pour les convaincre d'utiliser la voie maritime pour relier le Nord-Ouest de l'Europe à la péninsule ibérique. L'objectif des autorités européennes qui subventionnent cette autoroute de la mer étant de capter 3 à 5 % du trafic routier.
Après 8 jours de fonctionnement, les transporteurs ibériques semblent plus enthousiastes que leurs homologues français. Cette impression étant confirmée par les responsables politiques et économiques de la principauté d'Asturies qui parlaient d'importants chargeurs de la région convaincus du bien-fondé de ce mode de transport intra-européen. Les particuliers quant à eux sont conquis par cette opportunité de relier la côte cantabrique à la Bretagne et à l'ouest français. Il faut dire que les prix de lancement sont très compétitifs : 99 euros pour un aller pour une voiture et une cabine pour deux passagers.
Pour le moment 3 allers-retours sont proposés par semaine : départ de Saint-Nazaire le lundi, mercredi et samedi. La durée du voyage est de 14 h. Les installations de ce navire construit en 1998 sont très satisfaisantes. Le personnel très serviable communique facilement en français, anglais et espagnol. Le personnel en relation avec les passagers est portugais et le personnel navigant est britannique.
Le 14 septembre au soir pour le 3e départ du port de Gijón, le nombre de camions et de voitures particulières était en nette progression. Même si on est encore très loin des objectifs affichés, les Asturiens restent très confiants dans l'avenir de ce mode de transport, parlant même d'un projet entre Gijón et Cork.
Les responsables du port asturien font remarquer, pour justifier leur optimisme, que la ligne entre Bilbao et Bruges n'avait eu pour son premier voyage qu'un seul camion. Depuis, cette ligne régulière a pris son rythme de croisière. La promotion de ce nouveau mode de transport écologique doit aussi passer par les médias. En plus de l'ABP il y avait aussi un journaliste de Presse-Océan pour couvrir ce 3e voyage entre Gijón et Saint-Nazaire.
Hubert Chémereau