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Ceux qui vous dirigent (photo ec.europa.eu)
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- Chronique -
La France responsable du Brexit
Il ne s'agit pas de tomber dans un “French-bashing” mais d'analyser les raisons véritables qui ont fait que les Britanniques et de nombreux Européens, et pas uniquement des souverainistes, se
Par Philippe Argouarch pour ABP le 26/06/16 19:45

Il ne s'agit pas de tomber dans le French-bashing habituel mais d'analyser les raisons véritables qui ont fait que les Britanniques et de nombreux Européens, et pas uniquement des souverainistes, se détournent du projet européen.

Tout d'abord l'Europe est un projet français dès son origine. L'idée vient de Jean Monnet qui entrevoyait une Europe fédérale à l'américaine. Si l'Europe est au départ juste un marché commun mis en place par le Traité de Rome, Jean Monnet veut aller bien plus loin et veut des institutions et une défense communes. Cette défense commune, la CED, est rejetée dès 1954 par le Parlement de Paris sous le gouvernement Mendès-France.

Mais c'est de Gaulle, grand champion de la souveraineté nationale, qui va faire de l'Europe une agglomération d'États. Tout l'oppose à ce que voulait Jean Monnet qui avait clairement déclaré "Nous ne coalisons pas les États, nous rassemblons les hommes". Ah ! si seulement on l'avait écouté !

Monnet était un grand admirateur des démocraties anglo-saxonnes et si on l'avait laissé faire, il n'y aurait pas eu de Brexit, tout simplement parce que les institutions et le fonctionnement de l'Europe auraient été au niveau des démocraties les plus avancées. Le Royaume-Uni est bien plus démocratique que la République française. Les référendums sur l'Écosse et le Brexit nous le rappellent à nouveau. Il fallait un acte fondateur fort, démocratique et fédéral, et la République française ne devait, ne pouvait être ce modèle même si la déclaration des Droits de l'Homme a été adoptée. Le modèle britannique est copié par le reste du monde, pas le modèle français.

Ce sont juste des faits historiques que j'ai déjà signalés sur ce site. Londres a eu le premier véritable système parlementaire bien avant la Révolution française de 1789. Le Parlement du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord est l'institution législative suprême du Royaume-Uni, des territoires britanniques d'outre-mer et des dépendances de la Couronne. Lui seul dispose de la suprématie parlementaire, c'est-à-dire du pouvoir de légiférer sur tous les autres organes politiques du Royaume-Uni et de ses territoires. Ce n'est pas du tout le cas du Parlement européen qui à l'image de l'Assemblée nationale qui n'a ni le monopole de la législation ni vraiment l'initiative des lois. Toutes les libertés au Royaume-Uni ont précédé leur adoption en France. Le vote des femmes dès 1918 (France 1945), le droit syndical, la liberté de la presse, le fédéralisme, la dévolution, etc, etc..

Lors de son retour au pouvoir en 1958, de Gaulle se débarrasse de Jean Monnet. De Gaulle était contre le partage de souveraineté et déclara vouloir "une commission commune qui ne soit naturellement pas constituée avec des Jean Monnet, des apatrides soi-disant supranationaux, mais avec des fonctionnaires qualifiés..."(1). Tout est dit : vous avez bien lu "des fonctionnaires qualifiés". C'est de Gaulle qui a voulu une Europe de fonctionnaires non élus et aux ordres des États. C'est lui qui demanda et obtint le permis d'utiliser le droit de veto dans les domaines d'intérêt national en 1966 et c'est évidemment de Gaulle qui s'opposera à l'entrée des Britanniques dans l'Europe. Un pays trop démocratique pour lui, incompatible avec sa conception de la République et de la "grandeur de la France".

Alors les Britanniques sont sortis parce que, derrière l'opacité (à l'image de la France souvent dirigée par un Conseil d'État non élu que personne ne connaît), ils ont découvert le pot aux roses. Aujourd'hui, il y a 55 000 fonctionnaires et 16 % des salariés de la Commission gagnent plus de 100 000 euros par an. Certains fonctionnaires de Bruxelles gagnent plus que David Cameron, le Premier ministre britannique. Les frais de fonctionnement des institutions européennes représentent 63 milliards, ou un peu plus de 6 % du budget prévisionnel 2014-2020 (2). Un gaspillage faramineux à l'image du modèle français.

J'ai été invité en décembre 2008 avec un autre membre de l'association Bretagne Réunie à Paris à une conférence de la Commission Européenne des Droits Fondamentaux (FRA). La conférence avait lieu à l'Hôtel Hilton où le prix des chambres était à plus de 300 euros (aujourd'hui autour de 400 euros) sans parler des restaurants pour tout ce beau monde venu des quatre coins d'Europe voyage payé. C'est aussi ça l'Europe. Même pas une Cour des comptes qui enquête sur les abus. Les membres de la commission ne paieraient pas d'impôts. C'est tout ça qui a fait fuir les Britanniques : gaspillage, opacité, manque de contrôle, manque de ce que les Anglo-Saxons appellent accountability, un terme d'origine française qui n'existe pas en français moderne mais qui a un sens politique particulier : l'exigence de rendre des comptes.

Les Institutions européennes comprennent donc le Conseil de l'Union européenne ou Conseil des ministres, un organe à la fois exécutif et législatif - Montesquieu où es-tu ? ; le Conseil européen qui rassemble les Chefs d'États quatre fois par an ; la Commission européenne (l'exécutif) composée d'un commissaire par État dont les pouvoirs sont exorbitants mais uniquement sur certains sujets non soumis au veto des États. C'est une sorte de gouvernement de l'Europe mais qui ne dépend pas de la majorité politique du Parlement, ni d'une élection. Ce sont bien des fonctionnaires nommés par chaque État. Personne ne connaît les noms des commissaires. Des personnages qui dirigent cette Europe sans même avoir été élus et qui gagnent 24 500 euros bruts par mois (voir le site) . Jean-Claude Juncker est le président et Pierre Moscovici est le Commissaire pour la France. La photo de famille de ceux qui vous gouvernent est là (voir le site)

Alors que le Traité de Rome statuait que le Parlement européen devait être élu au suffrage direct, le Conseil des ministres (de l'Europe) s'y oppose jusqu'en 1979. Le Parlement européen ne dispose pas de l'initiative législative comme c'est le cas à Westminster. Un peu comme la France où les propositions de lois émanent surtout du gouvernement, qui peut même passer en force avec le fameux 49-3. À Bruxelles, le Conseil des ministres a des pouvoirs législatifs plus importants que le Parlement Européen - apprend-on sur la page wikipédia ! Pire, malgré son rôle principalement figuratif, le Parlement européen a 751 députés. Encore un gâchis. De nombreux députés y siègent rarement ou vont juste pour pointer. Selon le Journal du net (voir le site) un député européen gagne en tout 12 341 euros bruts par mois.

(1) Alain Peyrefitte

(2) Chiffres du Financial Times