Le mot séparatisme est revenu à l’honneur. Les séparatistes sont des méchants. Ils veulent séparer alors que les autres veulent rassembler. Le simplisme est l’ennemi de la vérité. On honore donc ceux qui « rattachent ». On fait même un timbre en leur honneur quitte à oblitérer la vérité. Le séparatisme est un vilain mot. […]
Le séparatisme est un vilain mot. Pour qu’il soit encore plus vilain il fait en sorte qu’il soit associé aux plus horribles des crétins, sadiques et autres tueurs.
Lutter contre les fanatiques religieux qui refusent les principes républicains —qui je le rappelle ne sont pas la propriété de la France mais sont universels— est un combat juste et indispensable mais appeler cela de la lutte contre le « séparatisme » est de la malveillance et de la manipulation. On fait l’amalgame de ceux qui tuent et de ceux qui demandent que l’on desserre l’étau centraliste, ici ou ailleurs, sans qu’ils aient pour autant une arrière-pensée anti républicaine.
Un fait vient démontrer que ce pays n’a plus le sens des mots et qu’il continue de manipuler l’histoire. La Poste va sortir un timbre en ce mois d’octobre pour fêter le « rattachement du Béarn à la France » le 19 octobre 1620. Pour fêter ces 400 ans on n’hésite pas à qualifier de « rattachement » ce qui fut une annexion pure et simple, contre la volonté des Béarnais et de leurs représentants.
Lo Biarn que hè lo mus au rei/ Le Béarn fait la gueule au roi
Les documents historiques sont clairs. Les Béarnais ont dit non et quand le roi Louis XIII est venu à Pau pour imposer son édit d’annexion (et de rétablissement de l’église catholique dans ses droits et possessions). Les Béarnais lui ont fait la gueule. Ce fut un opération ville morte. Ceux qui rapportent le déplacement royal se plaignent de l’absence d’applaudissements à l’entrée du roi, de l’absence de vivres et de l’absence de toute église catholique pour y entendre la messe.
Le roi est venu à Pau pour imposer l’annexion, et dans son édit il impose aussi sa langue comme langue administrative. Les Béarnais n’appliqueront que très mal, ou pas du tout, les décisions royales en ce domaine jusqu’en 1790.
La Poste lutte donc contre le séparatisme en parlant d’un « rattachement ». On se fout de l’histoire, on se fout de la vérité et après on pleure qu’il y ait des gens pour vouloir déboulonner des statues. On se plaint aussi de ceux qui manipulent les textes, religieux ou pas.
Bon, il est vrai que La Poste n’est pas un repère de gens très subtils. Il suffit de voir qu’il leur arrive de se permettre de traduire des noms de rues qui sont en occitan et d’avoir, pour ce faire, les traducteurs les plus nuls de la terre. Ainsi dans le petit village de Sauvelade (Béarn) dont 90% des voies ne sont nommées qu’en occitan par décision municipale, La Poste impose de nouveaux noms à ces rues pour que le courrier arrive. Si, c’est vrai, et j’en ai la preuve. Elle change sans les avertir l’adresse des gens, sur leur carnet de chèques par exemple.
Coup de gueule de Bayrou
Mais le pire dans l’affaire philatélique qui concerne le Béarn, c’est que la demande d’un timbre spécial émane du groupe philatéliste béarnais ; ce dernier ne semble pas ému par la manipulation historique. Son seul souci est que le timbre soit oblitéré du premier jour à Pau. Et il ne le sera pas parce que François Bayrou s’y est opposé, expliquant qu’il s’agissait d’un « coup d’État imposé par une invasion ». Pas mal ! Tous ceux qui disent que Bayrou est un tiède voient là une expression du contraire. Je ne suis pas toujours d’accord avec lui mais reconnaissons qu’il a trouvé les mots justes.
Je laisse cependant au maire de Pau le soin d’expliquer à son ami Macron ce genre de choses ; Macron étant celui qui expliquait à des enfants d’une école, que sans l’Édit de Villers-Cotterêts, nous parlerions tous « patois et nous ne nous comprendrions pas ». Il a dû travailler à la Poste dans ses débuts ! Il faudrait lui expliquer qu’une langue ne sert pas qu’à lécher des timbres.
Sujets ou citoyens ?
Bon, maintenant les Béarnais sont français et ils le sont devenus par annexion, contre leur volonté. Ça c’est l’histoire, telle que l’on peut la raconter de la façon la plus objective possible. D’abord sujets du roi et ensuite citoyens de la République. Mais je ne sais pourquoi quand la République se comporte en manipulatrice d’histoire j’ai le sentiment qu’elle semble s’adresser à des sujets plus qu’à des citoyens.
Parler de rattachement est une imposture et si au lieu d’annexion je parlais d’Anschluss en référence à l’histoire plus récente de l’Autriche rattachée du IIIe Reich, je serais aussi coupable que les traficoteurs d’histoire. Et pourtant quand je cherche ce mot en allemand il signifie « rattachement ». Mais comme je connais le sens caché des mots et la couleur que l’histoire leur a donnée, j’essaie d’éviter la manipulation.
Les malhonnêtes nous ont donc donné un timbre sur lequel on voit le bon Louis XIII sur fond de château de Pau. On y voit aussi en prime un hexagone parfait où un point rouge signale le territoire qui, enfin il y a 400 ans, en terminait avec un séparatisme qui devait dater de Cro-Magnon. C’est, sans nul doute, à l’époque lointaine des ancêtres des Béarnais, que ces derniers dans leurs grottes, guettaient déjà la fin de l’époque glaciaire et surtout celle de leur terrible isolement politique.
David Grosclaude
Editoriau de la revista Occitania deu Partit Occitan, octobre/noveme de 2020.
Ce communiqué est paru sur David Grosclaude